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Histoire de Brest

par MMs A. MARTEVILLE et P. VARIN

continuateurs et correcteurs d'OGEE. 1843.

 

BREST. Cette ville importante, dont le port est le premier de France et le plus beau de l'Europe, est située par 48° 23' 22" de latitude, et 6° 49' 42'' de longitude ouest, point pris au centre du télégraphe de la tour de Saint-Louis, à 82m9c au—dessus du niveau de la mer. — Cette commune est limitée : N. et E. Lambézellec; S. rade de Brest ; O. Saint—Pierre Quilibigon. — Sa superf. tot. est de 202 hect., dont les princip. divis. sont : ter. lab. 13; prair. 1 ; sup. des prop. bât. 38; cont. non imp. (presque toutes couvertes par les constructions de l'État, moins 38 hect. de rivière) 150.

Brest est le chef-lieu d'une préfecture maritime (2è arrondissement). Les autres administrations qu'elle réunit, et qui en grande partie dérivent de la première, sont : sous—préfecture civile (en 1790 c'était le chef-lieu du district de ce nom); arsenal et chantiers de construction; commissariat de marine; tribunal maritime; directions d'artillerie de marine, des constructions navales, des travaux hydrauliques; administration des chiourmes; direction des postes (bureau et relais, bureau séparé à Recouvrance); direction télégraphique; tribunal de première instance; tribunal de commerce; intendance sanitaire; recette générale des contributions (deux arrondissements de perception); direction, inspection et principauté des douanes; inspection de l'enregistrement et des domaines; conservation des hypothèques; direction d'arrondissement des contributions indirectes; consulats étrangers; chef-lieu de la subdivision militaire du Finistère; directions de l'artillerie et du génie : sous-intendance militaire; lieutenance de gendarmerie; société d'agriculture; collège communal, sous le nom de Collège-Joinville; société d'émulation, sous le nom d'Académie de Brest. — Le culte catholique romain a deux cures de première classe, l'une à Saint Louis, l'autre à Saint—Sauveur. — Il y a en outre un pasteur des églises protestantes, et un officier de synagogue faisant fonctions de rabbin du culte Israélite. — Il y a foires le premier lundi de chaque mois; marchés le lundi et le vendredi.

L'étymologie du nom de Brest et la date de l'origine de cette localité, aujourd'hui si importante, sont encore une énigme. M. Athenas a voulu prouver que cette ville était le Gœsocribates des anciens; et M. Miorcec de Kerdanet a soutenu que Brest avait emprunté son nom à Bristock, roi des anciens Bretons. Cette dernière étymologie nous paraît très—problématique; quant à la première, elle manque d'exactitude. En effet, M. Athenas s'est appuyé sur ce fait que Gœsocribates est indiqué dans la Table de Peutinger comme la dernière station d'une voie romaine allant de Nantes à travers la Bretagne, aboutir à la mer. Or cette voie n'aboutit pas à Brest, mais dans la commune de Plouguerneau; en suivant ses traces à l'étang de Penmaerck, à Kerscar, au Groaec, elle conduisait, selon nous, en suivant la limite ouest des communes de Guiquelleau, Saint—Trégant et Guisseny, et les limites des communes de Kernilis et Plouguerueau, à Castel-Ahès, lieu dont le nom, par son analogie avec les noms romains, non moins que par cette terminaison Ahès, commune en Bretagne à plusieurs voies romaines, semble indiquer un point jadis important. — M. Athenas veut encore que le nom moderne de Brest dérive de Breis, Bretagne. Selon cet auteur, les matelots bretons revoyant la terre pour la première fois, au retour de leurs excursions lointaines, criaient Breis ! Breis! et le nom en est resté à Brest. Cette opinion n'a pas plus de fondement que la précédente, car Brest n'est point vu de la pleine mer; il faut, pour le découvrir, pénétrer dans la rade qui porte son nom.

Quoi qu'il en soit, Brest n'apparaît dans l'histoire que vers le milieu du XIIIè siècle; en 1630, ce n'était encore qu'une bourgade dépendant de Lambézellec, sans communauté de ville, et n'ayant de remarquable que son château. Sans admettre que celui-ci soit d'une ancienneté aussi reculée que d'Argentré a bien voulu le dire, et qu'il remonte à Conan Meriadec, dont l'existence est peu certaine, il faut croire qu'il existait dès le IXè siècle. La Chronique de Nantes, rapportant la mort de Salomon, roi des Bretons (856), s'exprime ainsi : apud oppidum quod dicitur Bresta. Faut—il rapporter cette citation au château de Brest? Rien ne nous semble repousser cette opinion.

A ce que dit Ogée sur cette localité, nous ajouterons les renseignements qui suivent : 

— En 1276 , les Anglais, sous la conduite du comte de Lincoln, font aux environs de Brest une descente qui leur produit peu de résultats.

— En 1340, la rade sert d'abri à une partie de la flotte française et italienne combinée, défaite par les Anglais devant l'Écluse. 

— 1341. La première enceinte est créée par Montfort, qui vient de s'emparer de Brest sur les Anglais, le tenant pour Charles de Blois (1). Peu après, le château sert de prison à ce dernier, qui de là est transféré en Angleterre (1346). 

— 1372. Le château reçoit garnison anglaise, par suite du traité conclu entre Jean IV et Édouard III. Duguesclin assiège la place, défendue par Robert Knowles, le même qui commandait au combat des Trente, et par le sire de Neufville. Elle promet de se rendre si, avant une époque fixée, elle n'a pas été secourue. Le comte de Salisbury se présente avant cette époque, et Duguesclin lève le siège. 

— 1374. Le comte de Salisbury fait augmenter les fortifications. Selon toute apparence, on lui doit la construction de la tour qui domine la rade, et que l'on nomme encore Tour des Anglais

— 1376. Edouard III rend à Jean IV le château de Brest; mais en 1378 ce prince y rappelle les Anglais, toutefois en faisant certaines réserves qui montrent le prix qu'on attache déjà à la possession de cette place importante. 

— Nonobstant ces conditions, le roi d'Angleterre refuse de rendre Brest, lorsque, en 1381, le duc fait la paix avec la France. 

— 1382. Jean IV tente de reprendre de vive force ce qu'on refuse à sa juste demande : il assiège Brest. 

— 1387. Le duc renouvelle sa tentative et fait des efforts inouïs pour s'emparer de cette place. Le fort construit en bois (voy. le texte d'Ogée) était établi au milieu du Goulet et se liait avec deux forts en pierre, construits sur les rives opposées de Crozon et de Saint-Pierre Quilibigon. 

— Enfin, en 1397, Richard II restitue Brest au duc de Bretagne. Cette mesure, quoique éminemment équitable, irrite vivement les Anglais. 

— 1489. Lors des premières contestations entre la duchesse Anne et le roi de France, au sujet de la possession de la Bretagne, les troupes de ce prince, commandées par le vicomte de Rohan, s'emparent de Brest. peu après a lieu la tentative inutile du maréchal de Rieux, rapportée par Ogée.

— En 1489, le roi de France ordonne au capitaine Carrell ou Carreau de remettre Brest aux troupes d'Anne de Bretagne : cet officier, emporté par son zèle, se refuse à exécuter cet ordre, et n'obéit que sur une nouvelle injonction.

— C'est à cette époque sans doute que les armes de Brest furent créées; elles étaient mi—parties de France et de Bretagne.

A l'histoire de Brest, avant la réunion de la Bretagne à la France, nous ajouterons quelques dates postérieures, et qui, comme celles qui précèdent, ont été omises par notre auteur. 

— 1592. L'amiral anglais Howard fait une descente, dans laquelle il ravage les environs de Brest et du Conquet; il est tué dans un combat que lui livre l'amiral français Prigent de Coativy (suivant dom Morice, Prégent de Bidoux, gentilhomme de Guyenne) : ce dernier remporte en outre un léger avantage sur les ennemis. 

— 1513. La flotte anglaise faisant de continuelles descentes sur les côtes de Bretagne, Primoguet, capitaine breton, se met en course avec quelques vaisseaux pour la poursuivre. Le jour Saint-Laurent il rencontre, devant la pointe Saint-Mahé, à peu de distance de la rade de Brest, la flotte anglaise, forte de 80 voiles. Quoique n'en ayant que 20, Primoguet engage le combat. Après avoir fait des prodiges de valeur, l'amiral breton voit le feu se déclarer à son bord. Il fait force de voiles, atteint le vaisseau amiral anglais, et s'y accroche au vent à lui; les deux navires brûlent ensemble, et Primoguet, heureux de sa vengeance, se jette à la mer pour regagner ses vaisseaux, mais le poids de ses armes l'entraîne au fond. (Il parait que le nom a été  mal écrit jusqu'à ce jour, et que cet amiral se nommait André Portzmoguer.)

— 1549. Un papegai est établi par lettres-patentes de Charles IX, motivées sur ce qu'il est important que les bourgeois d'une ville si exposée aux attaques des ennemis soient habiles au maniement des armes.

—1591. Henri IV demandant des secours à Elisabeth, reine d'Angleterre, cette princesse exige, pour prix du service qu'elle rend, que la place de Brest soit donnée pour sûreté à ses troupes. Henri IV , appréciant toute la portée qu'aurait une telle concession, n'accorde que Paimpol. 

—1593. Le 31 décembre Brest, qui compte a peine 1500 habitants, reçoit de Henri IV des lettres-patentes qui lui confèrent le titre de ville. Les mêmes lettres défendent à qui que ce soit de se dire bourgeois de Brest, avant d'en avoir obtenu la permission et payé 40 écus d'entrée, pour contribuer aux réparations et aux fortifications de la ville. 

— 1595. La reine d'Angleterre insiste de nouveau et inutilement pour qu'on lui donne Brest comme place de sûreté; peu après les Anglais évacuent toute la Bretagne. 

— 1597. Le gouverneur de Sourdéac fait construire la tour qui domine l'entrée du port. Elle porte le nom de tour de César; et le chanoine Moreau nous apprend qu'elle le doit à ce que l'on trouva , dans les fondements des anciennes fortifications qu'elle remplaça, une médaille de cuivre, d'une dimension inusitée, portant d'un côté l'effigie de César, et de l'autre les mots : Julii Cœsaris. Selon le même auteur, de Sourdéac fit remettre cette plaque dans les nouvelles fondations, en y ajoutant une médaille en argent, a l'effigie de Henri IV. 

— Cette même année, ce gouverneur fait faire de grandes réparations au château, et construit le bastion qui porte encore son nom, et qui domine le port au lieu où est actuellement la machine à mater. 

— Environ le même temps ou construit, pour servir de logement aux officiers, le bâtiment que l'on voit à gauche en entrant dans la cour du château, et qui est connu sous le nom de quartier de Plougastel .

— 1600. A cette époque on voit que le bourg de Recouvrance est beaucoup plus grand que la ville de Brest. Ce bourg s'appelait jadis bourg Sainte-Catherine; mais, en 1346, Jean IV y fit bâtir une chapelle dédiée à Notre-Dame de Recouvrance, où l'on déposait de nombreux ex voto, pour l'heureux retour et le recouvrement des matelots et des navires qui partaient de Brest. Peu à peu le nom de Recouvrances a remplacé celui de Sainte-Catherine, et le bourg s'est confondu avec la ville.

Cette chronologie nous semble compléter ce qu'a dit Ogée , et laissera peu à désirer, grâce à la liste ci—dessous que nous devons à notre excellent collaborateur M. de Blois, et qui présente, par ordre de dates, l'histoire sommaire des capitaines et gouverneurs de Brest.

Capitaines ou Gouverneurs de Brest depuis 1340.

— En 1340, Gauthier de Clisson, établi par le duc Jean III tué en 1341 en défendant Brest contre le comte de Montfort, qui le remplaça la même année par Tangui du Chastel, seigneur de Tremazan, évêché de Léon. 

— 1342 Brest fut livré aux Anglais par le comte de Montfort. Edouard III y plaça cette même année sir John de Gatesden, chevalier. Sa commission lui donne autorité sur tout le pays de Léon. On voit que le roi d'Angleterre disposait largement des états de son allié. 

— 1352 à 1355, sir John Meynard, chevalier. 

—1355, sir Malhew de Gournay, chevalier. 

— 1371, on croit que sir Robert de Neuville était capitaine de Brest à cette époque, maison ne trouve pas ses provisions dans les actcs publics. Brest fut alors rendu au duc Jean IV, qui y nomma Geoffroy de Poulglou ou du Poutglou, chevalier, de l'évêché de Tréguier. Brest est encore remis aux Anglais par le duc de Bretagne, en 1372. 

— 1373, sir John de Neville, chevalier institué par Edouard III, roi d'Angleterre, défend Brest avec Rober Knowles, lors du siège qu'y mit le connétable Duguesclin. 

—1378, sir Robert Knowles, chevalier institué par le roi d'Angleterre Richard II. 

— 1379—1382, sir Thomas Percy. (Hist. d'Angl., par Smolett, liv. IV, t. 11.) 

—1330 sir John Rocke, chevalier. 

— 1387, Richard Fitz—Alan comte d'Arundel, grand—amiral d'Angleterre. (Hist d'Angl., de Smolett, liv. IV, t. II.) 

— 1388, sir Henry Percy, chevalier, fils aîné du comte de Northumberland 

— 1396, John Holland, comte de Hundtington, frère utérin du roi Richard II. Il fit par ordre de ce prince, en 1397, remise des ville, château et bastide, que les Anglais avaient récemment construits, à Jean IV, duc de Bretagne. 

— 1397, Jean Perion, écuyer, militaire distingue de l'évêché de Tréguier, fut établi par le duc Jean IV. 

— 1402, Even ou Yves du Faou, vicomte du Faou, près Châteaulin, évêché de Cornouailles, était capitaine à Brest vers cette époque. Sa commission est du 11 novembre 402. 

— 1405, Messire Jean de Langueouez, de l'évêché de Léon, 

— 1407, Eon ou Yves Phelippes, de l'évêché de Tréguier, et Jean, sire de Lannion, chevalier banneret, seigneur de Crughille, évêché de Tréguier, font serment pour les ville, châtel, bastide et forteresse de Brest, le Ier juillet 1407. 

— 1413, Olivier, sire du Chastel, chevalier banneret, seigneur de Tremazan, évêché de Léon, et Raoul de Kersaliou, écuyer, de l'évêché de Tréguier. 

— 415, Henri, sire du Juch, chevalier banneret, de l'évêché de Cornouailles. 

— 1423, Guillaume du Perrier, écuyer, de l'évêché de Tréguier, et seigneur du Menez, en Cornouailles, fit des avances pour les réparations de la place, dont il fut remboursé par le trésorier-général de Bretagne dans le cours de celte année. 

— 1423, Tanguy, sire de Kermavan ou Kermaouer, chevalier banneret, de l'évêché le Léon, chambellan du duc Jean V, qui lui retira sa capitainerie pour la donner à son successeur, moyennant une indemnité.

 — 1432, Jean du Quelennec, vicomte du Faou, évêché de Cornouailles, amiral de Bretagne et chambellan du duc Jean V, qui, par mandement du 19 juin 1434, le remplaça par Guy de La Chapelle, sire de Molac, chevalier banneret, de l'évêché de Vannes. 

— 1454, Jean du Quelennec, vicomte du Faou et amiral de Bretagne, devient de nouveau vers cette époque capitaine de Brest. 

—1460, Simon du Quelennec, seigneur du Quelennec, près Quintin, évêché de Saint-Brieuc, chevalier, de la même famille que le précédent.

— 1401, Guyon du Quelennec, conseiller et chambellan du duc François Ier, de la même famille. 

— 1489 et avant, Thomas de Kerazut, écuyer, de l'évêché de Léon, chambellan du duc François II, confirmé dans sa charge de capitaine de Brest par a duchesse Aune. Le seigneur de Kerousi, et quelques hommes qui s'étaient joints à lui, ne purent empêcher que la place se rendît à l'armée française, commandée par le vicomte de Rohan, qui avait pénétré en Bretagne à la faveur des troubles élevés pendant la minorité de la duchesse Anne. On ignore le nom du capitaine nommé aussitôt après cette prise par les Français, en 1489. 

— 1491, Carrel ou Carreau, chevalier, seigneur de Chizé et de Courge, en Poitou, institué par Charles VIII, roi de France, qui tenait alors cette place. Henri de Monestay, seigneur du Chazeron, était son lieutenant et y commandait. 

— 1498, Gilles Texuc, chevalier, de l'évêché de Rennes, écuyer de la reine Anne, fut institué après la mort du précédent. 

— 1516, Bertrand Le Voyer, seigneur de La Court, de Tregomar et de la Haye-Pagnel, conseiller et maitre-d'hôtel du roi François Ier, de l'évêché de Saint-Brieuc. 

— 1523, Renaud de Montbourcher, seigneur du Bordage, de l'évêché de Rennes. 

— 1527, Alain, sire de Guengat, chevalier banneret, de l'évêché de Cornouailles, maître—d'hôlel de la reine Claude, femme de François 1er. 

— 1529 —1544, Philippe de Chabot, seigneur de Brion et comte de Chainy, amiral de France, de l'ordre du Roi et de la Jarretière, gouverneur du Havre-de-Grâce. Ce seigneur eut, de 1548 a 1553, Marc de Çarné, seigneur du Crémeuc et de la Salle, grand-maître des eaux et forêts et lieutenant-général eu Bretagne, pour lieutenant de la capitainerie de Brest.

Quelques-uns placent au nombre des capitaines de Brest Guillaume du Chastel, seigneur de Kersimon , qui remporta un avantage signalé à la Pointe de Perrell ou Berthomme sur les Anglais et les Flamands, qui, en juillet 1558, avaient débarqué au Conquet, pillé cette petite ville, et qui ravagèrent ensuite le pays. Il était commandant du ban et arrière-ban de l'évêché de Léon, ce qui lui donnait sur les hommes de ce territoire l'autorité qu'il employa d'une manière si utile. Il fut, avec Jérôme de Carné, l'un des commissaires chargés de constater les dégâts occasionnés au Conquet et dans le pays par les ennemis.

On place ici Charles du Combont, grand-veneur de Bretagne, gouverneur de Nantes et lieutenant-général pour le roi, qui en 1559, d'après d'Anvin (Essais sur Brest), a augmenté et perfectionné les fortifications du château et de la ville, et dont les armes se voient au-dessous de celles du roi avec le collier de Saint-Michel, à l'angle saillant du ravelin qui couvre la porte du château. Nous n'avons rien trouvé dans l'histoire de Bretagne sur l'époque précise et la durée du commandement de ces deux officiers, et s'ils l'ont exercé à titre de capitaine de la place ou autrement. Jérôme de Carné, seigneur de Kerloaguen, près Morlaix, remplaça son père dans la lieutenance de Morlaix, en 1553. 

— 1508, François de Cugnac , seigneur de Dampierre, en Beauce; on ignore l'époque de sa nomination. 

— 1571, le même Jérôme de Carné , seigneur de Kerloaguen, fut nommé gouverneur des ville et château de Brest. Il était vice-amiral et lieutenant-général du roi en Bretagne, et chevalier de son ordre. Il avait été capitaine de Quimper, et avait présidé à l'éducation du duc d'Alençon, frère de Henri III, en qualité de gouverneur. Ce fut son second fils, François de Carné, qui le remplaça dans sa lieutenance à Brest. (Les lieutenants des places fortes exerçaient toute l'autorité en l'absence des capitaines ou gouverneurs, qui étaient souvent retenus à la cour, ou ailleurs, par de grands emplois. Ces lieutenants ont été depuis désignés sous le nom de lieutenants de roi.) 

Jean Babon, comte de Sagonne , fut nommé gouverneur de Brest par une intrigue de cour qui fut déjouée; car ou voit que Jérôme de Carné conserva sa place jusqu'à sa mort, et qu'il en obtint la survivance pour son petit-fils; le fils encore mineur de son fils aîné qu'il avait perdu.

— 1580, Jean de Carné, fils de René et petit-fils de Jérôme, succéda à son aïeul. Comme il était alors en minorité, l'autorité était exercée par François de Carné Rosampoul, son oncle. 

— 1589, Guy de Rieux, marquis de Châteauneuf et vicomte de Donges, avait pris le parti du roi dans la Ligue. Voyant que le seigneur de Carné Rosampoul tenait Brest pour le parti opposé, il se ménagea des intelligences dans cette place importante, où le caractère hautain du gouverneur lui avait aliéné des habitants. Il partit de Rennes à la mi-septembre, et arriva à Brest si secrètement qu'il parvint à y entrer par surprise, aidé des habitants. Rosampoul n'eut que le temps d'échapper avec les débris de ses soldats, et de se rendre aux environs de Quimper, qu'il quitta peu de mois après pour secourir contre le prince de Dombes la ville d'Hennebont, dont il facilita la défense au moyen de l'artillerie qu'il y fit passer par mer. (V. les historiens de Bretagne, année 1590, notamment les Mémoires du seigneur d'Aradon-Quinipily, dans dom Morice, p. CCIX, année 1589.)

— On lit dans des Mémoires manuscrits sur la ville dé Brest, que le marquis de Châteauneuf fit remplacer dans les magasins de la place deux cents barriques de vin. Elles avaient sans doute été distribuées aux habitants comme récompense quand ils lui donnèrent entrée. 

— 1592, René de Rieux, marquis de Sourdéac et d'Ouessant, deuxième fils du précédent, succéda dans le gouvernement de Brest à son père, que Henri IV avait maintenu dans cette conquête sur les Ligueurs. Il fit de cette place le boulevard des Royalistes en Basse-Bretagne, et fit échouer ce que les Ligueurs y tentèrent d'entreprises. Il augmenta et améliora les fortifications de cette place, où l'on croit qu'il avait été précédemment employé comme lieutenant sous son père. Il avait écrit sur les guerres de la Ligue des mémoires dont on a à regretter la perte. Il était chevalier des ordres du roi, lieutenant général du gouvernement de Bretagne, et capitaine de cinquante lances. Il mourut en 1628. Il avait pour lieutenant au gouvernement de Brest Jacques de Bouvans, seigneur du Bois-de-la-Roche, en Commana. 

— 1628, Guy de Rieux, marquis de Sourdéac et d'Ouessant, fils aîné du précédent, fut pourvu du gouvernement de Brest à la mort de son père. Il était écuyer de la reine Marie de Médicis, dont il suivit le parti dans la Fronde, ce qui le porta à s'expatrier avec elle, et lui fit perdre ses places eu 1631. Il mourut en Bavière en 1640. 

— 1632, Jean du Cambont, marquis de Coislin , baron du Pontchâteau, évêché de Nantes, lieutenant-général du roi eu Basse-Bretagne, et chevalier de ses ordres.

— 1648, Jacques de Castelnau, marquis de Castelnau eu Gascogne, lieutenant-général des armées du roi et chevalier de ses ordres. Il fut fait maréchal de France en 1658 , et mourut peu de temps après de ses blessures à Calais.

— 1658, le marquis de Castelnau, maistre de camp de cavalerie, succéda à son père dans le gouvernement de Brest, et mourut en 1772. Sa fille aînée, Henriette Julie, née à Brest, épousa le comte de Marcel, et se distingua par les grâces de sa personne et par des ouvrages qui lui ont donné quelque réputation. Jérôme du Cambont, vicomte de Carheil, et seigneur du Beccai, était lieutenant de roi au gouvernement de Brest en 1609. Il était neveu de Jean du Cambout qui en avait été gouverneur en 1632. 

— 1672, François de Monestay , marquis du Chazeron, lieutenant des gardes du corps et lieutenant-général des armées du roi, fut fait gouverneur de Brest en 1672. 

— 1697, François—Amable de Monestay , marquis du Chazeron , lieutenant des gardes du corps, et lieutenant-général des armées du roi, succéda à son père dans le gouvernement de Brest. 

— 1719, Charles—François de Monestay, marquis de Chazerou, lieutenant des gardes du corps, fait lieutenant-général des armées du roi en 1653, fut gouverneur de Brest après son père. 

— 1755, Charles—Claude Andrault, marquis de Langeron et de Maulevrier, fut pourvu du gouvernement des ville et château de Brest en 1755. Il était lieutenant-général des armées du roi, grande croix de l'ordre de Saint-Louis, et fils du maréchal de Langeron. Il était encore gouverneur de Brest au moment de la révolution en 1790.

Nota. On est loin de regarder cette liste comme complète. On n'y fait figurer que les personnages dont les noms se trouvent cités dans les actes ou l'histoire de Bretagne, avec le titre de gouverneur ou capitaine de Brest jusqu'au temps de la Ligue. Quant à ceux plus modernes ou a tiré leurs noms d'ouvrages publiés plus récemment. (V. dom Morice, Preuves, t. I, col. 1394,1439,1485,1499, 1521 ; t. II, 193, 197, 677, 709, 746, 710, 876, 888, 900, 1205, 1233, 1643, 1728, 1764; t. III, col. 65, 145, 147, 392,535, 664, 544, 699, 724, 820, 877, 889, 949, 958, 978, 997, 1061, 1093, 1226, 1097, 1357, 1243, 1257, 1391, 1395, 1S98, 1399, 1423, 1444, 1514.)

Cette liste nous conduit pas à pas à la plus belle page de l'histoire de Brest : nous voulons parler de son érection en établissement maritime. C'est à Richelieu que cette ville a dû sa haute fortune. Frappé de cette admirable position, le ministre destina Brest à devenir le centre où aboutiraient tous les efforts que la France allait tenter pour se créer une marine importante et surtout permanente. Ici s'ouvre aussi pour nous une nouvelle série chronologique dans laquelle, comme dans la précédente, nous n'enregistrerons que les dates omises par Ogée.

— 1667. M. le duc de Beaufort, amiral de France, envoyé par Colbert, continuateur de l'œuvre de Richelieu, arrive à Brest avec 60 vaisseaux de diverses grandeurs, qu'il amène de La Rochelle. La plus forte impulsion est donnée à tous les travaux : les bâtiments, qui avaient été d'abord construits en bois, sont reconstruits en pierre; plusieurs vaisseaux de 60 à 90 canons sont mis sur les chantiers, etc. Deux médailles à l'effigie de Louis XIV sont frappées pour perpétuer le souvenir de ces grands événements; l'une est à la date de 1668 et porte un vaisseau sous voiles avec la légende : Navigatio instaurata. L'autre est de 1670, et porte également un vaisseau sous voiles avec la légende : Res navalis instaurata

— Des retranchements en terre sont construits pour la défense du port, et servent en même temps d'enceinte aux ateliers.

— Un grand armement se prépare; le vaisseau-amiral porte 80 canons. 

— De 1668 à 1672, on construit plusieurs magasins, ateliers et hangars. Le magasin général et les magasins particuliers de cette époque forment maintenant l'arsenal et les forges de l'artillerie, du côté de Recouvrance ; c'est cet arsenal qui a brûlé en 1832.

» A cette époque la ville (2), comme on le voit par un plan de 1670, avait sept rues; savoir : neuve des Sept—Saints , haute et basse des Sept-Saints, Charronnière, du Petit-Moulin, Ornou et Saint-Yves. Toutes les maisons étaient ainsi comprises entre le quai Tourville et l'alignement de la rue de Traverse, de l'ouest à l'est, et l'alignement actuel des rues Royale et du Château (qui alors n'existaient pas), du nord au sud. Le tout était fortifié du côté de l'est seulement par deux bastions qu'unissait une courtine longeant l'emplacement actuel de la rue de Traverse. 

— Le long du quai Tourville étaient quatre grands bâtiments servant de magasin général pour la marine. Puis tout an bas de la rue Royale actuelle, et vis-à-vis le point où se trouve à présent la grille de l'arsenal, un très—bel hôtel, consistant en un corps-de-logis avec deux ailes, et qu'on appelait la maison du roi, destiné à le recevoir lorsqu'il viendrait à Brest, et ordinairement habité par le commandant de la marine. Ce sont des maisons particulières qui occupent aujourd'hui la place de cet hôtel. 

— Le bassin de radoub ou forme situé à l'entrée du port du côté de Brest était, en 1670, la crique de Troulam. De l'autre côté se trouvait la corderie, immense bâtiment en bois qui longeait d'un bout à l'autre l'alignement de la rue de Keravel, bâtie depuis à sa place. 

— La garniture se trouvait à l'extrémité occidentale de la corderie, et son local se dirigeait parallèlement à la rivière, au-dessus de l'endroit où sont aujourd'hui les bureaux du port, du contrôle et ceux du magasin général. C'était le dernier établissement du port du côté de Brest. En passant de ce point pour aller du côté de Recouvrance, on trouvait la crique de Pontaniou, sur l'emplacement de laquelle on voit aujourd'hui quatre superbes formes ou bassins de radoub. Ce n'était alors qu'un enfoncement rempli de vase à la marée basse, et qu'entouraient les magasins de la mâture, de la voilerie, les grandes forges et la tonnellerie, tous édifices encore existants, mais ayant changé de destination, à l'exception des grandes forges.

En suivant le long du quai comme pour revenir à l'entrée du port, on trouvait les magasins particuliers des vaisseaux, dont on a fait aujourd'hui des forges et clouteries; puis la salle d'armes, qui est toujours au même endroit. De là, jusqu'à la pointe du château, des maisons particulières de Recouvrance, les beaux édifices de l'artillerie n'existant pas encore; enfin les magasins des vivres, qui sont toujours au même endroit, occupaient le quai entre ces maisons et la pointe du fer-à-cheval. — A cette même époque de 1670, Recouvrance, qui avait été long-temps plus important que Brest, était déjà à peu près ce qu'il est aujourd'hui.

L'essor que Colbert avait imprimé à la marine fut si fort et si rapide qu'en 1680 le département de Brest renfermait 92 vaisseaux de 60 à 100 canons, plus beaucoup de frégates, avisos, flûtes et brûlots. Une ordonnance du roi prescrivit la levée de 60,000 matelots, dont 20,000 étaient destinés à l'armement de l'escadre active, 20,000 devaient aider à l'équipement des bâtiments de commerce, et les 20,000 autres devaient rester eu dépôt pour remplacer et se tenir prêts à embarquer en cas de besoin. On frappa à cette occasion une médaille offrant d'un côté l'effigie du roi; au revers, un matelot appuyé sur le fût d'une colonne au bord de la mer, et tenant en main un gouvernail chargé de fleurs de lis. Légende : Bello et commercio. Exergue : Sexaginta miliia nautarum conscripta. — La même année, le maréchal de Vauban fut chargé de fortifier Brest. Il retoucha une partie des ouvrages du château, et couvrit par un bonnet de prêtre le ravelin et la courtine à gauche du bastion de Sourdéac. Les couronnements des murs et des tours portaient autrefois des parapets saillants à créneaux et à mâchicoulis, tels qu'on en voit encore aux tours du portail d'Azénor et de César, ou bien les tours étaient elles-mêmes surmontées de tourelles : Vauban fit raser les sommets et pratiquer des plates—formes et des embrasures pour y mettre de l'artillerie. C'est aussi à lui qu'on doit attribuer la construction des vastes souterrains du château, fermés en 1777, et découverts en 1832. Enfin il traça sa ligne de fortifications : c'est celle qui existe encore aujourd'hui, en exceptant toutefois le fort Bouguen et l'ouvrage de Kéliversan, qui ne datent que de la fin du dernier siècle. Cette ligne était beaucoup plus étendue que ne l'exigeait la grandeur de la ville, puisque sa principale porte d'entrée, en 1782, était encore voisine de l'église des Carmes; mais il était nécessaire de commander les points élevés qui dominaient la ville, et sur lesquels, en cas de siège, l'ennemi aurait pu prendre position. Vauban fit encore établir des retranchements et batteries au Conquet, à l'anse des Blancs-Sablons, à Bertheaume, à Quélern, sur la pointe de Cornouailles, l'île Longue et Camaret; il fit bâtir le fort Mingan et celui du Minou; mais ses tentatives pour établir des forts sur la roche Mingan et sur la Cormorandière n'obtinrent aucun succès.

L'enceinte des fortifications du côté de Recouvrance fut commencée eu 1681, et eu 1689 la circonvallation complète de Brest et de ce faubourg fut terminée.

Les travaux de l'arsenal de Brest avaient été complétés en 1681, par l'achèvement des ateliers et magasins de l'artillerie du coté de Recouvrance, et du côté de Brest par la construction de l'hôtel de l'intendance et du bassin de radoub, que le célèbre ingénieur Groignard, après plusieurs essais infructueux, fit refaire plus tard tel qu'il est aujourd'hui. La France put alors se vanter de posséder le premier port maritime de l'Europe, et pour éterniser le souvenir des travaux qui avaient amené ce grand résultat, ou frappa une médaille présentant d'un côté l'effigie du roi; au revers le tracé du port de Brest avec ses fortifications. A l'embouchure de la rivière, qui forme l'entrée du port, le dieu Portanus est représenté assis appuyé sur un dauphin, et tenant en main une clef. Légende : Tutela classium Oceani. Exergue : Bresti portus et navale : MDCLXXXI .— Cette même année, un édit du roi réunit les deux villes et étendit aux habitants de Recouvrance le droit de bourgeoisie. Un autre édit transporta à Brest le siège de la justice royale, séant jusqu'alors à Saint-Renan. — Le siège royal de Brest se composait d'un sénéchal ou bailli d'épée, d'un bailli ou lieutenant-général, d'un lieutenant et d'un avocat procureur du roi. — Le corps de ville et les officiers municipaux étaient soumis à l'autorité militaire. Les habitante choisissaient pour la place de maire trois candidats dont les noms étaient soumis à l'approbation du gouverneur de la province ; ensuite ils procédaient à un scrutin définitif pour l'élection. Le maire nommé prêtait serment entre les mains du gouverneur; il assistait aux Etats de Bretagne, l'épée au côté, et cette charge donnait la noblesse.

En 1682, le roi créa les compagnies des gardes du pavillon de la marine : elles se composaient de huit cents gentilshommes destinés à y faire l'apprentissage de la navigation, cet art sublime qui agrandit le domaine de l'homme en reculant les limites du monde. Ces compagnies furent une excellente pépinière de bons officiers. La médaille qui consacre le souvenir de cette création représente un officier sur le bord de la mer, ayant à sa droite un jeune homme qui regarde une boussole, et à sa gauche un autre jeune homme mesurant une carte avec un compas : dans le fond, une tour de la ville et un vaisseau. Légende —.Electi octogenti juvenes in navalem militiam conscripti (3).

En 1685, les jésuites furent appelés à Brest pour fournir des aumôniers aux vaisseaux. Leur séminaire fut bâti aux dépens du gouvernement. A cette occasion on frappa une médaille présentant d'un côté l'effigie du roi, et au revers l'inscription suivante : Ludovicus magnus ut maris imperium virtute partum religione tueretur seminarium Brestensi extruxit et patribus societ. Jesu administrandum commisit. An MDCLXXXV. Légende : Tu dominaris potestati maris.

En 1686, on construisit l'hôpital de la marine, et en 1691 l'hôpital civil, renfermant quatre-vingts lits pour les pauvres (4).

En 1692 , suivant un relevé parfaitement exact que nous avons sous les yeux, la marine française se composait de 100 vaisseaux de ligne et de 690 autres bâtiments de guerre. Sur ce nombre , l'escadre de Brest, que commandait Tourville, doit être comprise au moins pour deux tiers. Nos flottes couvraient les mers, et, conduites au combat par des hommes tels que Duquesne, Tourville, Forbin, Jean—Bart et Dugay—Trouin, elles soutenaient en toutes rencontres l'honneur du pavillon français. Aussi une médaille fut—elle frappée en 1693 pour constater que jamais notre marine n'avait atteint un pareil degré de splendeur. Cette médaille,à l'effigie du roi, présente au revers la France, couronne en tête, armée du trident, et guidant sur les flots le char de Neptune. Légende : Splendor rei navalis. — Cette prospérité de notre marine en général , et celle du port de Brest en particulier, ne pouvait manquer d'exciter la jalousie des Anglais, qui ont toujours eu la prétention de régner exclusivement sur les mers. A ce sentiment vint peut—être aussi se joindre celui de la vengeance, lorsqu'on 1693 un armateur de Brest eut ravagé les plantations qu'ils avaient à Gambie en Afrique. Ils résolurent donc de faire un puissant effort pour ruiner d'un seul coup notre plus bel établissement maritime. Les Hollandais se joignirent à eux; et, de l'aveu même de l'historien anglais Lediard , les flottes combinées, sous le commandement de l'amiral Barklay, se composaient de 41 vaisseaux de guerre, 14 brûlots et 8 petits bâtiments, le tout portant 10,000 hommes de troupes de débarquement. Cette flotte vint mouiller dans l'Iroise le 16 juin 1694, et son approche répandit d'abord la terreur parmi les habitants des environs. Mais bientôt ils reprirent courage, et les femmes mêmes surent se distinguer par le zèle et le patriotisme qu'elle déployèrent dans cette circonstance. D'ailleurs Vauban se trouvait alors à Brest : sa seule présence valait mieux que toute une armée pour la défense de cette ville, dont les fortifications étaient son ouvrage. — Vauban établit son quartier-général au Conquet. L'ennemi descendit le 17, dans une anse près de Camaret. Les batteries voisines dirigèrent sur lui un feu si vif et si bien soutenu que les premiers qui débarquèrent furent mis en désordre. Le jeune marquis de Lavalette Thomas, bien secondé par le sieur Bénoisse, son frère d'armes, profita de cet instant, s'élança sur eux à a tête de 700 garde-côtes, et les chargea l'épée à la main avec tant de furie que leur déroute devint complète. Pour comble de malheur, la marée étant venue à baisser, leurs chaloupes échouèrent sur le plage, de sorte qu'il leur devint impossible de se rembarquer. Tous durent faits prisonniers et massacrés impitoyablement par les paysans bretons, qui ne leur firent aucun quartier. L'amiral Barklay fur tué; une frégate hollandaise, le Wesep, échoua; un transport avec 500 hommes fut coulé bas. Après cet échec, on tint conseil à bord de la flotte anglaise, et l'entreprise contre Brest fut déclarée impraticable. Depuis de temps, il ne fut fait aucune tentative pour s'emparer de cette place. — Il est probable que ce débarquement et l'occupation d'un des points de la presqu'île par les Espagnols au temps de la Ligue donnèrent à Vauban l'idée de construire les lignes de Quélern. Les travaux qu'il fit exécuter sur ce point furent remplacés un siècle plus tard par les ouvrages plus solides que l'on y admire aujourd'hui.

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L'année 1707 vit entrer dans le port de Brest plusieurs bâtiments anglais pris par le brave Duguay-Trouin. — Les travaux de fortifications et du port, ainsi que les armements de la marine, n'empêchaient point dans l'intérieur de la ville une foule de constructions qui venaient contribuer à son embellissement. Dès 1686, Vauban avait désigné dans Keravel l'emplacement convenable à la construction de la nouvelle église sous l'invocation de saint Louis; mais les jésuites pensant qu'elle nuirait à la vue de leur jardin, où ils voulaient bâtir un observatoire, obtinrent qu'elle serait bâtie où o la voit aujourd'hui. 

Parmi les raisons qui contribuèrent puissamment à l'agrandissement de Brest, il en est une trop remarquable pour que nous ne la signalions pas ici. Les habitants qui avaient fait bâtir une maison dans les trois années précédentes faisaient partie du cortège dans l'installation du maire, avec les échevins et les notables. Les habitants mariés dans l'année de l'élection jouissaient du même privilège (*). On concevra facilement que de semblables mesures aient prodigieusement favorisé l'accroissement de la population de la ville, et l'on ne s'étonnera pas que dès l'année 1710 elle ait compté 1,300 maisons et 14,000 habitants, non compris 2,000 ouvriers du dehors.

Le temps de la Régence et le règne de Louis XV furent une époque de décadence pour notre marine. Dubois, vendu à l'Angleterre, ne pouvait prendre bien vivement ses intérêts ; Fleury, l'homme de la paix à tout prix, n'en sentait pas assez toute l'importance. Mais Brest était entré trop profondément dans la voie du progrès pour rester désormais stationnaire. De généreux citoyens et d'habiles administrateurs suppléèrent heureusement à l'impulsion que ne donnait plus le pouvoir. — En 1737, Claude de Kerlean fit un testament par lequel il laissait viagèrement la jouissance de différentes propriété au plus ancien capitaine de vaisseau attaché au port de Brest, à condition qu'il entretiendrait tous les édifices, et paierait 1,000 francs à l'hôpital civil à son entrée en jouissance. — En 1740, Duhamel, lieutenant de vaisseau et chevalier de Saint-Louis, légua le prix de la vente de tous ses biens pour la fondation d'une école d'enfants dirigée par des frères de Saint-Yon. Jusqu'à ce moment, Brest n'avait pa encore eu d'école. — En 1746, le bienfait de l'éducation fut étendu à toute la population par l'établissement des frères de la doctrine chrétienne. — En 1747, la corderie actuelle fut bâtie : on abandonna et on détruisit la corderie en bois qui existait le long et sur l'emplacement de Keravel. C'est à peu près du même temps que datent les rues royale, de la Rampe, du Château, de la Mairie et de Saint-Louis. L'église Saint-Louis, commencée en 1692, et dont les travaux avaient d'abord été poussés assez vivement, ne fut cependant achevée que long-temps après. Ce n'est qu'en 1778 que l'on exécuta la façade et la tour, d'un goût bizarre, qui la surmonte : mais le service divin s'y célébrait depuis plusieurs années. —  En 1751, le bagne fut construit sous la direction de Choquet-Lindu, ingénieur des bâtiments civils de la marine. Le choix de l'emplacement destiné à un édifice de ce genre n'était pas indifférent; il était nécessaire qu'il fût hors du port, et en même temps à proximité de l'eau et des casernes. L'emplacement situé devant les casernes, derrière la corderie haute, à côté de l'hopital, fut, après mûr examen, celui qui parut le plus convenable. Tous ceux qui ont visité le bagne savent que cet établissement ne laisse rien à désirer relativement à la solidité, à la sûreté, à l'arrangement et à la propreté des salles (*) — En 1757, le même ingénieur termina trois des quatre bassins de radoub situés sur l'emplacement de la crique de Pontaniou, du côté de Recouvrance. L'achèvement de ces bassins a permis à renoncer complètement à la dangereuse et pénible opération de faire monter les vaisseaux sur les cales. Le 30  juillet 1752, cette ville qui, peu d'années auparavant, n'avait pas encore même une école primaire, fut dotée, par lettres du roi, d'une institution qui, bientôt célèbre, prit place immédiatement après l'Académie des sciences et presque sur la même ligne : nous voulons parler de l'Académie royale de la marine.  Elle dut sa naissance à quelques jeunes officiers qui lorsque le prospectus de l'Encyclopédie parut à Brest, eurent l'idée de faire un dictionnaire de la marine sur le même plan. Ils se partagèrent les diverses branches. Duhamel étant venu à Brest, eut connaissance de leur travail et l'approuva; mais il pensa que pour obtenir des résultats avantageux, il fallait constituer une véritable société académique modelée sur l'Académie des sciences.  L'avenir justifia ses prévisions : l'Académie de la marine compta bientôt parmi ses membres des savants illustres et des noms européens. Par malheur, le premier volume de ses mémoires fut seul imprimé; les autres manuscrits, qui offrent une foule d'observations curieuses, ont été réunis par les soins du conservateur chargé de l'ancienne bibliothèque de la marine, la seule que possède aujourd'hui la ville de Brest (1). En 1761, on réédifia les magasins de combustibles qu'un incendie avait consumés en 1759. L'année 1764 vit s'établir la manufacture des toiles à voiles En 1796, on augmenta les magasins d'artillerie du port, et la même année on joua pour la première fois dans la salle de spectacle, bâtie aux dépens de la marine, sur les plans de Louis, architecte de Paris, auquel cet édifice lourd et de mauvais goût ne fait point honneur. Un fait assez curieux à relater ici, c'est que les pierres qui ont servi à la construction de l'église Saint-Louis et de la comédie proviennent également des ruines du château de Conan-Mériadec à Plourin, dont on ne voit plus rien de nos jours. — En 1767 on acheva la belle caserne de la marine, et l'on construisit l'admirable machine à mâter, qui existe encore à présent. — En 1768, le jardin botanique fut formé par MM. Courcelles et Poissonnier; mais depuis il a été bien agrandi à plusieurs reprises, et il a dû surtout beaucoup aux soins du savant professeur M. Léonard, qui y a établi l'ordre que l'on y remarque aujourd'hui. — En 1769, M. d'Ajot, officier supérieur du génie, directeur des fortifications, fit planter le cours ou promenade qui a conservé son nom. Cette magnifique terrasse, qui domine la rade, a 620 m de long suer 28 de large : ses arbres sont de la plus grande beauté; et à une époque postérieure, en 1801, on a fait placer à ses deux extrémités deux ouvrages du célèbre Coisevox, le Wandick de la sculpture. L'une représente Neptune armé de son trident et prêt à en frapper un des chevaux marins; l'autre offre le groupe à l'abondance. Le travail en est fort beau, mais l'inclémence du ciel sous lequel ils sont placés les a considérablement détériorés. 

Ainsi l'on voit que presque chaque année était marquée par quelque institution nouvelle, ou par la construction de nouveaux édifices. Le recensement de 1776 fit connaître que Brest renfermait 1,900 maisons et 22,000 habitants. Aussi, lorsque l'empereur Joseph II, voyageant sous le nom de comte de Falkenstein, vint visiter cette ville en 1777, il ne put assez témoigner l'admiration que lui inspirait l'activité prodigieuse qui régnait incessamment dans le port, et les merveilles que la civilisation y avait si rapidement opérées. Cependant un affreux  désastre était venu affliger la ville en 1775. L'hopital de la marine avait été presque entièrement consumé par un incendie, et 40 forçats avaient péri dans les flammes sans qu'il fut possible de leur porter secours. C'est alors que l'on convertit en hopital l'ancien séminaire des jésuites qui, en 1770, après l'expulsion de ces religieux, était devenu l'hôtel des gardes de la marine.

En 1778, le roi Louis XVI, qui montra toujours pour la ville de Brest une bienveillance toute particulière, lui envoya son portait. On le reçut avec un cérémonial qui fait connaître de combien de respects et d'hommages la majesté royale était alors environnée.

La guerre d'Amérique, si glorieuse pour notre marine, vint encore donne un nouveau développement à la ville de Brest. Les nombreux armements qui s'y firent dans le cours de l'année où elle fut déclarée y arrivèrent tant de monde que la population s'éleva bientôt jusqu'à 26,000 habitants. Il n'entre pas dans notre plan de donner de grands détails sur cette époque. d'ailleurs, tout le monde connaît assez les actions héroïque de Guichen, de de Grasse, de d'Estaing et du bailli de Suffren, ce grand homme de Plutarque. Cependant, il est un combat que nous ne pouvons passer sous silence, parce qu la gloire en rejaillit d'une manière toute particulière sur la ville de Brest : c'est celui du brave Du Couédic, commandant la Surveillante, dont le corps est déposé dans l'église Saint-Louis. Dans le mur du chœur est scellé une obélisque de marbre noir sur lequel on lit l'inscription suivante : "Jeunes élèves de la marine, admirez et imitez l'exemple du brave Du Couédic, lieutenant en premier des gardes de la marine. 

Ici repose le corps de messire Louis du Couédic de Kergoualer, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, capitaine des vaisseaux du roi, né au château de Kerguélennec, paroisse de Pouldregat, diocèse de Quimper, e 17juillet 17640; mort le 7 janvier 1780, des suites des blessures qu'il avait reçues dans le combat mémorable qu'il a rendu (sans doute pour soutenu) le 6 octobre 1779, commandant la frégate de Sa Majesté la Surveillante, contre la frégate anglaise le Québec. — Ce monument a été posé par ordre du roi, pour perpétuer le nom et la mémoire de ce brave officier.

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Au milieu des malheurs de la France, Brest fut encore une des villes les plus cruellement frappées. Dès les premiers troubles, une espèce de club s'y était formé et s'était fait remarquer en toutes circonstances par l'exaltation de ses opinions. Il travaillait surtout à pervertir l'esprit des matelots, et il y réussit tellement qu'au mois de septembre 1790, à l'occasion de la publication du nouveau code maritime, une révolte éclata parmi les équipages de l'escadre aux ordres du comte d'Albert de Rioms. La société des ami de la constitution, qui d'abord avait poussé au désordre, usa de son influence pour l'apaiser lorsqu'elle vit quels maux pouvaient en résulter. — Cependant la populace se livrait aux derniers excès. Les armes de Brest, mi-parties France et Bretagne, furent effacées ou martelées partout où elles se rencontrèrent. Les lieux saints furent profanés ;: dans l'église de Saint-Louis on détruisit une chaire à prêcher d'un travail remarquable. Les démagogues, dans leur aveugle fureur, brisèrent une table de marbre incrustée dans une fontaine du quai Tourville, et qui portait l'inscription suivante, composée par le célèbre Santeuil :

Illam nautæ omnes celebrate Nympham;

Hic vobis dulces provida præbet aquas,

Quia salsum pariter quæ procula pura ministrat

Scandere amat vestras officiosa rates.

La chapelle de Saint—Sauveur, à Recouvrance, et l'église des Sept—Saints furent vendues comme propriétés nationales : la première servit successivement de magasin et d'atelier; la seconde fut transformée en auberge, et elle a conservé cette destination jusqu'à présent. Les proconsuls de la Convention, envoyés dans les départements pour y exercer la puissance nationale, stimulaient le zèle des clubs et des autorités locales. Jean—Bon—Saint—André, Alquier, Cavaignac, Tréhouard, Bréard furent successivement en mission à Brest. — A la voix du féroce Laignelot, des hommes sortis des derniers rangs de la société se réunirent pour former ce qu'on appelait le tribunal révolutionnaire. C'est dans l'ancienne église des jésuites qu'ils tirent leurs séances. — Tous les administrateurs du Finistère, au nombre de vingt—six, furent immolés le même jour, et la nouvelle en fut donnée aux Jacobins de Paris par l'accusateur public près le tribunal révolutionnaire de Brest. Ils furent livrés au glaive des lois comme fondateurs et apôtres du fédéralisme. — Enfin, la Terreur eut son terme et les exécutions cessèrent; mais la guerre maritime continua, et avec elle les désastres de notre pavillon. Sous le Directoire, sous le Consulat et sous l'Empire, la marine, malgré de brillants faits d'armes isolés, ne put reprendre le rang qu'elle avait perdu dès les premiers temps de la révolution. Elle put citer avec honneur les noms de Latouche Tréville, qui sut lutter avec avantage contre Nelson; Dupetit Thouars, de Bruix, de Cosmao, de Kerjulien, de Leissègues, de Villaret-Joyeuse, de Bast, de Linois; mais tous les grands armements furent malheureux. Napoléon surtout, il faut le dire, n'attacha jamais à la marine qu'un intérêt tout—à—fait secondaire : pour lui l'empire du monde ne se jouait pas sur l'Océan, mais dans les plaines de l'Italie, de l'Allemagne et de la Russie; il ne voyait pas assez qu'Aboukir, Trafalgar, Rochefort et Santo-Domingo étaient bien de sanglantes compensations des Pyramides, de Marengo, d'Austerlitz et de Wagram. — Sous le Consulat et l'Empire, la prospérité matérielle de la ville n'augmenta pas d'une manière sensible; cependant elle dut un grand nombre d'embellissements aux soins d'un administrateur éclairé. Tous ceux qui visitent le port y remarque  une belle fontaine surmontée d'une magnifique statue en marbre blanc représentant Amphitrite, ouvrage du célèbre Coustou; ce fut Cafarelli qui la fit élever. Ce fut aussi lui qui créa la bibliothèque spéciale et l'hôpital Saint-Louis, dépôt bien précieux pour les progrès de l'art médical.

Mais c'est surtout depuis vingt ans que Brest semble avoir changé de face : c'est à peine si l'espace nous permet d'énumérer les grands et importants travaux qui y ont été exécutés durant cette période. l'administration de la marine a fait d'immenses sacrifices pour l'achèvement du port et pour sa fermeture. De nouvelles cales de construction ont été faites. On a commencé de nouveaux quais, que l'on poussera de proche en proche jusqu'aux extrémités du port. On a formé un musée maritime non moins remarquable par la perfection des sculptures qui le décorent que par le travail des modèles qu'il renferme. Depuis l'incendie de 1776, la marine n'avait plus qu'un hopital provisoire dans l'ancien séminaire des jésuites, et son insuffisance s'était faite plusieurs fois sentir. Sur l'emplacement de l'ancien, on en a construit un dont l'élégance, je dirais presque la somptuosité, fait un des plus beaux monuments de la ville. Il est impossible de donner un air plus riant à ce séjour de mort et de désolation. L'hôpital est desservi par les vénérables fille de la Sagesse, dot la communauté fut fondée en 1716, et dont la maison principale est à Laurent-sur-Sèvre. — La conquête d'Alger a enrichi le port d'un nouveau monument que doivent voir avec intérêt tous les hommes passionnés pour la gloire de leur patrie. Presque à l'entrée du port, à peu de distance du bassin de Brest, entourée d'une balustrade de 46 pieds de circonférence, sur un piédestal orné de beaux bas-reliefs qui surmonte un socle de granite de Laber, s'élève fièrement la Consulaire, noble trophée de nos armes. Cette pièce fut fondue en 1542, par un Vénitien, pour célébrer l'achèvement des fortifications du môle, à l'une des embrasures duquel elle fut placée; sa longueur et de 20 pieds 5 pouces 6 lignes, sa portée est de 2,500 toises; elle parait plus gigantesque  encore, parce qu'elle est surmontée d'un coq de bronze dont une patte est appuyée sur le boulet de cette bouche à feu.

Quand l'administration de la marine faisait tant de sacrifices pour l'embellissement de Brest, l'administration de la ville et les citoyens ne pouvaient pas rester en arrière. — Dès l'année 1817, on avait bâti le corps de la prison civile; quelques années après, on commença la nouvelle halle bâtiment d'assez mauvais goût, mais d'une grande solidité et d'une vaste contenance. Chaque jour  on voit d'élever une foule de constructions particulières et de maisons qui ne laissent rien à désirer pour l'élégance et le confortable. Les arts et les sciences, le commerce et l'industrie font en même temps de grands progrès : on a su s'en convaincre en février 1834, lorsqu'on a fait dans les salles de la mairie une exposition des produits de l'industrie brestoise. L'achèvement du canal de Nantes à Brest, dont le projet déjà fort ancien n'a été repris sérieusement qu'en 1822, doit donner encore au commerce une extension nouvelle. — Les deux extrémités de la rue de la Mairie étaient autrefois séparées une vallée profonde et escarpée: on les réunit il y a une centaine d'année par une chaussée appelée encore aujourd'hui Pont-de-Terre. Sur l'un des revers de cette chaussée est un enfoncement considérable qui était occupé il y a quelques années par des jardins et des bâtisses habitées par des mendiants : cloaque infect, repaire de malfaiteurs, quartier hideux qui gisait au sein de la belle ville de Brest comme une plaie honteuse.

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C'est là que se développèrent les premiers symptômes de l'épidémie de 1832. Le conseil municipal acheta ce quartier en 1834, fit détruire les habitations, décida de que l'enfoncement serait comblé et ferait place nette. La destination ultérieure de cet emplacement n'est pas encore arrêtée au moment où nous écrivons. — La classe pauvre a depuis quelques années éveillé d'une manière toute particulière la sollicitude de l'administration. En 1818, il avait été établi déjà une école élémentaire d'enseignement mutuel qui peut recevoir 250 élèves. En 1819, une décision du ministre de la marine a fondé l'école de maistrance, qui a pour but de donner à de jeunes ouvriers l'instruction nécessaire pour pouvoir remplir un jour les emplois de maîtres et contre—maîtres dans les ateliers de l'arsenal. Elle est placée sous les ordres du directeur des constructions navales, qui désigne un ingénieur pour la surveiller spécialement. En 1825, une autre décision a établi des cours destinés aux ouvriers de toutes professions. Un Mont de Piété, créé par une ordonnance royale, en date du 6 décembre 1826, a été mis en activité, dans un bâtiment de l'hospice civil, le 1er mai 1831. Cette même année, on a fondé une de ces caisses d'épargnes dont l'utilité est aujourd'hui généralement reconnue. En 1832 et 1833, des salles d'asyle ont été créées à Brest et à Recouvrance : les enfants sont réunis gratuitement dans ces établissements publics tous les jours, à l'exception des fêtes. Enfin, la Société d'Emulation, fondée définitivement la 15 février 1834, et dont le but est de répandre l'instruction et de s'occuper de travaux d'utilité générale, a établi des cours industriels gratuits en faveur des classes peu aisées.

Brest renferme aujourd'hui 30,000 habitants, sans compter 4,000 hommes de garnison, 3,000 ouvriers du port, et 2,500 forçats. L'accroissement rapide de la population, qui n'aurait rien d'autre que de naturel dans les autres localités maritimes où l'air est en général assez pur, doit paraître prodigieux à Brest, si l'on considère combien le climat y est malsain et la mortalité considérable. Un savant médecin attribue cette mortalité à la direction de l'emplacement de la ville opposé  au rhumb de vent sud—ouest, à la disposition en double pente de ses collines d'assise, à la continuité des pluies dans certaines saisons de l'année, à la grande quantité de vapeurs aqueuses de l'atmosphère, enfin aux propriétés hygrométriques des matériaux imprégnés de sel marin qui servent à la construction. — Le quartier de Keravel (1) surtout est très malsain. Ajoutez à cela que, dans le bas peuple, beaucoup de maladies sont engendrées par la malpropreté et l'ivrognerie, qui enlève, ainsi que le disait Persival, plus d'hommes que ne le font la fièvre, la phtisie et toutes les maladies contagieuses — En 1754, un typhus nautique, introduit à Brest par l'escadre de Dubois de Lamotte, fit périr les deux tiers des habitants. De semblables maladies, importées par les escadres de d'Orvilliers en 1779, et de Villaret de Joyeuse en 1776, y firent beaucoup de ravages. En 1832, le choléra, dans sa première invasion, fit 1,300 victimes, et 200 en 1835. Cependant, on doit espérer de bons résultats de l'intendance sanitaire établie en vertu de la loi du 3 mars 1835, sur la police sanitaire du royaume. —, organisée d'après l'ordonnance royale du 7 août 1822 et composée de neuf membres nommés par le gouvernement, sur la présentation des préfets.

L'histoire de Brest serait incomplète, si nous ne faisions pas ici mention des personnages marquant dans tous les genres qu'elle a produits à diverses époques. Parmi eux nous devons citer en première ligne l'illustre Rieux de Sourdéac, gouverneur de Brest sous Henri IV. Il avait laissé, sur les évènements auxquels il a pris part, des mémoires qui ont été malheureusement perdus. Son fils, René de Rion, évêque de Léon, homme d'un immense savoir et qui ne méritait pas toutes les traverses qu'il essuya. Henriette de Castelnau, comtesse de Murat, née au château de Brest, dont son père était gouverneur en 1670, morte en 1716, femme célèbre par ses intrigues, qui la firent exiler, autant que par ses mémoires et des essais littéraires remplis d'esprit et de grâce : plusieurs poètes contemporains l'ont chantée. Choquet de Lindu, ingénieur en chef des fortifications et bâtiments civils de la marine, né à Brest en 1713, dirigea pendant un demi-siècle les travaux de ce port. Depuis 1740, il fit construire la chapelle de l'hôpital général, le bagne, les formes de construction, et mourut après une glorieuse carrière, le 8 octobre 1790, décoré de l'ordre de Saint-Louis. Pierre-Nicolas Ozanne, Pierre Ozanne, son frère, ingénieur, et Marie-Jeanne Ozanne, sa sœur, furent tous trois dessinateurs distingués. Lesgouaz, beau-frère d'Ozanne, qui avait deviné ses dispositions et d'après lequel il grava les vues des 60 ports de France, et mourut en 1816, graveur de l'Académie des sciences. Petit, officier de port, l'auteur de la mâture de Brest, fut un homme d'une érudition profonde : il a laissé à l'Académie de la marine des manuscrits remplis d'intérêt. On doit regretter vivement la perte des essais qu'il avait composés sur la ville de Brest. Savary (Jacques), médecin de Brest, qui mourut en 1768, a traduit de l'anglais plusieurs traités concernant son art, et dont l'un a eu l'honneur de la réimpression. Rochon, astronome et voyageur, naquit au château de Brest en 1741. Membre de l'Académie de la marine et de l'Académie des sciences, il accompagna le capitaine Kerguelen dans son voyage à la recherche des terres australes : il a laissé plusieurs ouvrages de haut intérêt. Il fut nommé membre de l'Institut à sa réorganisation, et mourut à Paris en 1817. Béchennec, prêtre, né à Brest en 1726, mort en 1805, fut savant bibliographe et naturaliste. Guillemard, écrivain de la marine et des classes, a fait quelques poésies fugitives et une tragédie de Caton d'Utique, dont le consciencieux Fréron a fait l'éloge. Keating, d'origine irlandaise, naquit à Brest, et mourut en 1748, avocat et littérateur distingué : il a traduit l'éloge d'Homère par Pope. Grée, avocat, né à Recouvrance, que l'amour fit poète, ainsi que le raconte Esménard, et qui chanta la navigation. Enfin le général d'Aboville, né en 1730, mort pair de France en 1817, qui commanda en chef l'artillerie sous Rochambaud dans la guerre d'Amérique, et concourut puissamment à la prise de York-Town. Mais c'est surtout une foule d'hommes distingués, et les noms des du Couédic, des Lamothe Piquet, des Kersaint, des Cosmao, des Villaret, des Nielly, des d'Orvilliers, des Bruix, sont tous glorieusement inscrits dans nos annales.

Nous n'avons malheureusement pas sur le commerce et sur l'industrie de Brest autant de documents que nous avons pu en réunir sur son histoire. Cependant nous en donnerons un aperçu  puisé en partie dans les états de la douane. On évalue à 6,000 tonneaux la quantité de marchandises annuellement exportées. la marine marchande de ce port comptait, en 1832, 14 bâtiments de 200 à 300 tonneaux; 35 de 100 à 200; au—dessous de 100 tonneaux 139 pontés et 597 non pontés. Ces bâtiments réunis jaugent 13,917 tonneaux. En cette même année, Brest a expédié au long—cours 24 navires jaugeant 4,261 tonneaux et portant 260 hommes d'équipage; au petit cabotage 200 navires, jaugeant 3,133 tonneaux, portant 689 hommes d'équipage; à la petite pêche, 330 navires, jaugeant 838 tonneaux et portant 1171 hommes d'équipage. Cette pêche produisit cette même année 4,285 barils de sardine, valant 228,386 fr. Cette pépinière de marins fournit à l'état une moyenne de 687 marins des classes. — On évalue à une moyenne de 208 fr. 33 c. le prix de revient d'un tonneau, coque et armement compris, des constructions de navires marchands faites dans le port de Brest. — Si l'on envisage le commerce de Brest sous le rapport des exportations et des importations par le long-cours, on voit qu'en 1831 il a été importé, sur 14 bâtiments français jaugeant 1468 tonneaux, une valeur de 174,750 fr., et sur 18 batiments étrangers, jaugeant 5,920 tonneaux, une valeur de 697,500 fr.; enfin, qu'il a été exporté, sur 7 batiments français, jaugeant 489 tonneaux, une valeur de 135,000 Fr. Outre ces documents, nous trouvons dans un état de 1834 sur es exportations et importations des détails qui complètent l'aperçu commercial que nous donnons ici. Nous les reproduisons en supprimant les quantités trop minimes.

IMPORTATIONS. Produits indigènes : Vins : 8,834,400 lit.; eaux-de-vie : 1,109,569; cidre : 92,230; vinaigre : 31,590; froment : 1,763,894 kilog.; sel : 1, 260,077; savons : 365,960; fer ouvré : 302,386; chanvre : 253,755; huiles grasses : 251,379; farine de froment  : 251,942; légumes secs, 702,196; cuivres, 246,348; fers, 211,054; goudron, 202,607; résine, 200,00; porc salé, 112,500; plombs en saumons : 105,624; tôle et bronze, 102,322; feuillards, 88,203; brai sec, 86,093; noix : 68,412; verreries : 67,012; prunes sèches : 65,607; poteries et grès : 78,907; suif fondu, 60,465; céruse 51,367; marrons et châtaignes : 44,407; toiles : 36,100; fromage, 35,425; faïence : 35,439; soufre : 34,593; huile d'olive : 32,879; orge : 31,453; acide sulfurique : 28,064; chicorée moulue : 29104; degras de peaux : 25,215; boeuf salé : 23,144; marbres : 17,937; feutres à doubler : 16,400; essence de térébenthine : : 12,719; porcelaines et cristaux : 10,140; sabots en bois : 10,600; bois à brûler : 18,747 stères; bois de construction : 6,670 stères; gournables en nombre : 309,916;  fagots : 26,690. — Produits coloniaux : sucre brut : 220,144 kilog.; café : 111,200; sirop de melasse : 10,380; épiceries :  6,054; noix de cocos, 8,000 (en nombre); oranges et citrons, 3,658 kilog; vins exotiques : 10,266; vins et liqueurs : 3,901 lit. — Produits étrangers : Houiles, 292,138 kilog; riz, 30,180; fers divers, 2,518,544; fromages, 55,611; suif fondu, 41,243; bois exotiques, 3182; bois de construction, 5,988 stères; planches, 53,618 mètres; oranges et citrons, 2,329 kilog.; goudron, 3,259; ot brut ou en poudre, 1,561; argent pur, 118,640; monnaies d'or, 4,437; d'argent, 172,850.

EXPORTATIONS. Produits du département  Os d'animaux, 181,900 kilog.; chandelles, 171,583; son, 164,000;légumes secs, 123,997; froment, 90,385; porc salé, 64,500; avoine, 39,813; poissons secs, 33,000; étoupes noires, 27,365;  groisil, 22,265; cordages, 26,011; suif fondu, 17,159; cuirs préparés, 7,474; poissons frais, 6,680; oseille confite, 7,108; toiles, 3,746; graisse de porc, 3,070; pierres à bâtir, 15,000 (en nombre); briques, 4,000 (id.); souliers, 1,856 kilog.; sardines pressées, 5,000. — Produits indigènes : Ferrailles et fonte, 1,238,303 kilog.; grains, 136,119; sels, 115,296; vins, 74,069; savons, 45,453; résiné, 23,000; eaux-de-vie, 13,520; barriques vides, 17,150 (en nombre); projectiles de guerre 17,000; caisses à eau en tôle, 71,710 kilog.; plomb, 9,090; verreries, 9,559; huile de graines, 8,428; cuivre, 11,812; tissus de laine, 4,877; liqueurs, 4,137 lit.; vinaigre, 3,055; graisse de poisson, 3,680 kilog.; fruits secs, 2,240; glaces brutes, 1,359. 

En produits coloniaux ou étrangers :  houille, 75,000; fer en barre, 48,680; sucres, 26,000; planches du nord, 30,949; fromage, 15,400; café, 2,880; épiceries, 2,195; blanc de baleine, 1,879. — Les droits de douane perçus sur ces divers produits se sont élevés à 167,263 fr.

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(1) On peut tracer comme il suit, sur les localités actuelles, l'enceinte de Montfort. Elle partait de l'extrémité inférieure de la rue Royale, longeait le haut de la rue Neuve des Sept—Saints, puis la rue Charonnière, redescendait le long de la rue Haute des Sept—Saints, jusqu'au—dessous de la chapelle de ce nom; enfin remontait par la rue Neuve des Sept-Saints, et, tournant la hauteur qui domine le quai de Tourville, elle revenait à son point de départ Ce ne fut que sous Henri II que des marins et des armateurs se hasardèrent a s'établir en dehors de celte enceinte, en l'endroit où. est actuellement le quai de Tourville.

(2) Toute la partie guillemettée est empruntée à une remarquable notice historique insérée dans l'Annuaire de Brest et du Finistère pour l'année 1837.

(3) L'école navale, établie sur le vaisseau l'Orion, en rade de Brest, a remplacé, quant à l'éducation maritime, les gardes du pavillon. Cette école, à laquelle on n'est admis que par un concours analogue à celui de l'école polytechnique, est sous la direction d'un capitaine de vaisseau ayant sous ses ordres un capitaine de corvette, six lieutenants de vaisseau, un aumônier, un chirurgien en chef, et cinq professeurs de mathématiques, physique, navigation , dessin et langue anglaise. Depuis dix ans, le maximum des admissions annuelles a été de 129 en 1829, et le minimum de 42 en 1833. — La moyenne a été de 79.

(4) L'hôpital neuf ou principal de la marine, le seul qui soit occupé, peut recevoir 1200 malades sans ajouter un troisième rang de lits dans les salles. — La moyenne des malades qui y sont entrés de 1833 à 1838 est de 8971 par an, sur lequel nombre la mortalité moyenne a été de 330, ou d'un peu plus de 3 pour %.