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Extrait d'OGEE : Dictionnaire historique et géographique de Bretagne. vers 1780.

sous article consacré à BRECH : 

Brech; sur une hauteur; à 4 lieues à l'O.-N.-O. de vannes, son évêché; à 22 lieues de Rennes, et à 1 lieue 1/4 d'Auray, sa subdélégation et son ressort. On y compte 2200 communiants. La cure est à l'ordinaire; le roi est seigneur de la paroisse. Son territoire, couvert de bois, est divisé en vallons et collines. On y voit des terres fertiles en froment, seigle et menus grains, des prairies et des landes.

C'est dans la paroisse de Brech que se donna, entre Charles de Blois et le comte de Montfort, la fameuse bataille d'Auray, dont j'ai parlé à l'article de cette ville. (Voy. Auray. ) Ces deux princes, voulant terminer par une action décisive leurs différents et les maux de la Bretagne, résolurent de ne pas échapper l'occasion qui s'en présentait. Leurs armées étaient aguerries et commandées par des chefs habiles. Monfort avait Chandos; Charles de Blois avait du Guesclin; tous deux vaillants, intrépides, grands capitaines et célèbres par mille hauts faits, tous deux l'appui et la gloire de leur parti : du Guesclin, l'honneur de la Bretagne, le héros et le défenseur de la France; Chandos, le protecteur de Montfort, qui lui dut en quelque sorte la couronne. Ce fut le 29 septembre 1364, fête de saint Michel, que se décida cette fameuse querelle qui depuis si longtemps agitait la Bretagne. Du Guesclin, général en chef de l'armée de Charles, la partagea en trois corps, chacun de mille hommes d'armes, avec une arrière-garde. Il se réserva le commandement du premier, composé de ses vaillants compagnons d'armes, Normands et Bretons, et donna le commandement du second au comte d'Auxerre et au Bègue de Vilaines; le troisième, composé de tous les seigneurs bretons, était commandé par Charles de Blois en personne, et l'arrière-garde par les sires de Rieux et de Tournemine, les barons de Retz et du Pont. L'armée du comte de Montfort, aussi partagée en trois corps, chacun de cinq cents hommes d'armes et de quatre cents archers, avec une arrière-garde, était commandée par Jean Chandos, qui mit le premier corps aux ordres de Robert Knolles, de Gautier Huet, Anglais, et de Richard Brûlé, Breton ; le second fut confié à Olivier de Clisson, au sieur de Keraer, Bretons, et à Mathieu de Gournay, Anglais; le troisième était réservé pour le prince, que Chandos ne voulait pas quitter. Hue de Caurelée fut chargé de l'arrière-garde, avec ordre de ne pas quitter son poste qu'il d'en eût exprès avis du général. Le combat allait commencer , lorsque le comte de Montfort manda à Charles de Blois que, par respect pour le saint jour du dimanche, qui arrivait ce jour-là, il serait à propos de remettre la bataille au lendemain; mais on répondit qu'il n'y avait plus à différer, et qu'il fallait combattre. Aussitôt on se met de part et d'autre en prières, et on se prépare au carnage par des dévotions. Ces premiers devoirs remplis, Charles de Blois, couvert d'un riche manteau fourré d'hermines, et le comte de Montfort, appellent, chacun de leur côté, leurs capitaines, les embrassent, les exhortent à bien faire et leur montrent l'ennemi. Au même instant les bannières se déploient, les trompettes sonnent et le combat commence. On voyait dans les deux armées les mêmes drapeaux, les mômes armes, les mêmes enseignes; et on avait de part et d'autre le même cri de ralliement, qui était, Bretagne, Malo, au riche duc. On rapporte qu'en ce moment, un lévrier du comte de Blois, qui ne le quittait jamais, passa dans l'armée ennemie, et courut au comte de Montfort, qu'il caressa, tout à cheval qu'il était, en se dressant sur ses pattes de derrière. Ce prince demanda à qui ce chien appartenait : on le reconnut à son collier aux armes de Bretagne; et on lui répondit que c'était le lévrier du comte de Blois qui venait le saluer duc de Bretagne. — L'attaque fut des plus vives et des plus sanglantes : les chevaliers des deux partis, animés par la présence et le courage de leurs chefs, donnèrent des preuves de la plus grande valeur. Olivier de Clisson, armé d'une hache, ouvrait les rangs ennemis, et renversait tout ce qui s'opposait à son passage. Au milieu du carnage, on lui creva un œil d'un coup de dague : cette blessure, loin de ralentir ses efforts, ranima son courage, et l'enflamma d'une telle fureur, qu'il se jeta au milieu des ennemis, et les enfonça. Bertrand du Guesclin avait pour armes un lourd marteau d'acier, avec lequel il frappait de toutes ses forces, en criant Notre-Dame, et assommait tous ceux qui se trouvaient à portée. Un gros des ennemis, l'ayant aperçu, se jeta sur lui, l'environna et le renversa; mais ses compagnons, témoins du danger qu'il courait, vinrent à son secours et le dégagèrent.

En ce moment, un des chevaliers du comte de Montfort, qui avait pris l'habit et les armes de ce prince, attaqua du Guesclin avec une vivacité étonnante, en criant, Bretagne, où es-tu? Charles de Blois, croyant que c'était le comte de Montfort, courut à lui, et, soutenu des siens, il le coucha sur la poussière, en criant à sou tour : Bretagne, or est mort icelui de Montfort, par qui j'ai été ainsi grevé. Mais quelle fut sa surprise, lorsque le vrai comte de Montfort se présenta devant lui, et continua de combattre avec le plus grand courage! — Jusque là, le comte de Blois avait eu l'avantage, et la victoire était sur le point de se décider en sa faveur, lorsque le comte de Montfort fit vœu de fonder à Rennes une communauté en l'honneur de la Sainte-Vierge (voy. Rennes), et ordonna à son corps de réserve, commandé par Caurelée, capitaine anglais, d'aller prendre à dos l'armée de Charles. Cette attaque imprévue causa le plus grand désordre dans l'armée de ce prince, sa bannière fut abattue, lui-même fait prisonnier, et presque aussitôt tué par un Anglais, qui lui donna dans la bouche un coup d'épée ou de dague qui lui traversa la tète : il tomba du coup, et n'eut le temps que de prononcer ha, ha, Domine Deus! et il expira. Frère Geoffroy Rabin , religieux dominicain de Nantes, qui se trouva auprès de lui dans le moment où il reçut le coup, l'exhorta à penser à Dieu. Du Guesclin n'eut pas plutôt appris cette funeste catastrophe, que, n'écoutant plus que son désespoir, il se jeta au milieu des ennemis, résolu de vendre chèrement sa vie et de ne pas survivre à son prince; mais, après plusieurs blessures, se trouvant sans armes et accablé de fatigues, il se rendit à Chandos. Alors personne ne soutint plus, tout fut défait, et le comte de Montfort remporta une victoire complète.

La fleur de la noblesse bretonne périt dans cette journée. Tous ceux des chevaliers bretons qui tenaient pour Charles furent tués à ses côtés, ou faits prisonniers. Le comte de Montfort y perdit peu de monde, si nous en croyons les historiens; mais, si l'on fait attention à l'acharnement des deux partis, à la manière de combattre alors en usage, et à la valeur des troupes, on sera persuadé que cette victoire doit avoir coûté cher au vainqueur. Après la bataille, on fit chercher le corps de Charles, qui fut trouvé parmi les morts, dans l'endroit où il avait été si lâchement tué par ce soldat anglais. Ceux qui le dépouillèrent lui trouvèrent un cilice de crin blanc, qu'ils jetèrent avec mépris; mais le religieux dominicain qui avait recueilli ses dernières paroles se saisit de cette précieuse dépouille. Le comte de Montfort, informé de l'endroit où était son corps, y vint ; et , après avoir fait lever le bouclier qui le couvrait, il lui adressa ces paroles en versant des larmes : « Ah ! mon » cousin , vous avez causé bien des maux à la Bretagne; Dieu vous le pardonne. » Son corps fut transporté à Auray, et de là à Guingamp, où on lui fit faire des funérailles magnifiques. — Ainsi mourut Charles, comte de Blois, époux de Jeanne-la-Boiteuse, née duchesse de Bretagne. La fortune, qui le traita si mal, ne lui a point enlevé les suffrages de la postérité. Ses talents, ses vertus, sa bonté, et peut-être ses malheurs, le feront vivre à jamais dans la mémoire des hommes , qui ne pourront s'empêcher de s'attendrir sur son sort et de donner des louanges à sa cendre. — Les historiens rapportent que le soldat qui l'avait tué, après s'être vanté publiquement d'une action si lâche, devint fou et furieux, et qu'on fut obligé de le lier. On le conduisit, pour le guérir, à Guingamp, où, après avoir fait amende honorable sur le tombeau du comte, il fut délivré de sa folie et de sa fureur. Les mêmes écrivains nous apprennent qu'il s'opéra plusieurs autres miracles sur son tombeau, et que ces miracles firent tant de bruit en Bretagne et en France, que Jeanne de Bretagne , comtesse de Penthièvre, épouse de ce prince infortuné; Jean et Gui de Châtillon, leurs enfants; Louis, comte d'Anjou, et son épouse, écrivirent au pape Urbain V , pour le faire canoniser; que le Saint-Père adressa à ce sujet, le 17 août 1368, une commission apostolique à Louis, évêque de Bayeux; à Gérard, depuis abbé de Marmoutier; et à Jean, abbé de Saint-Aubin-d'Angers, qui les chargeait de s'informer et de rendre compte au Saint-Siège des miracles qui se faisaient au tombeau de Charles, comte de Blois. Mais le comte de Montfort s'y opposa, dans la crainte que le nom de Saint, donné à son rival, ne le rendît odieux.-—La mort de ce prince mit fin à une guerre qui durait depuis vingt-deux à vingt-trois ans, qui avait ruiné la plupart des villes de cette province, détruit l'agriculture, anéanti le commerce, et fait péril-plus de deux cent mille hommes.

Voilà ce que les historiens nous apprennent de cette fameuse journée; mais ce dont ils ne parlent point, et ce que le terrain que nous avons sous les yeux nous permet de faire, c'est d'indiquer ici les fautes commises par le vaincu. Elles prouveront que l'on ne peut pas perdre d'une plus grande gaîté de cœur une bataille décisive, et qu'enfin cette bataille célèbre ne fut exactement qu'une affaire de poste, dans laquelle la longue, expérience et la prudence de Jean Chandos et de ses compagnons triomphèrent de la valeur inconsidérée, de la force, du nombre et de l'impétuosité de Bertrand du Guesclin et des autres braves chevaliers français et bretons; car les deux princes pour lesquels on se battait n'agirent qu'en sous-ordre dans cette journée.

Nous avons dit que Charles de Blois, venant au secours du château d'Auray, campa son armée à environ une lieue au-dessus et sur la rive droite du Morbihan , tandis que le château était sur la rive gauche, et que Jean de Montfort l'assiégeait par derrière. Ce bras de mer coule, dans presque toute sa longueur, entre deux montagnes très-élevées et assez raides, surtout du côté d'Auray. La première faute qu'il fit fut donc, en sortant de Lanvaux, de prendre, pour venir à Auray, une route qui, en arrivant sur le champ de bataille, mettait entre lui et son ennemi un bras de mer large de plus de vingt toises, au-delà duquel était un marais plus large encore, et enfin une montagne escarpée, couverte de bois, coupée par des ravins, et couronnée par une plaine occupée par l'ennemi. Il eût évité ce désavantage, si, au lieu de suivre le chemin de Plumargat et Pluneret, comme il le fit, il eût pris celui de Pluvigner et de Brech, qui n'est pas d'une demi-lieue plus long, et qui l'eût conduit, par un pays uni et découvert, dans la plaine d'Auray. Alors, combattant à terrain égal, tenant son ennemi resserré entre lui et le château, ayant trois fois plus de monde, il y avait dix contre un à parier pour lui. La seconde faute fut de rester pendant quinze à seize heures au lieu où son imprudence l'avait conduit, occupé à écouter des propositions d'accommodement pour n'en accepter aucune. Ses généraux durent s'apercevoir de sa fâcheuse situation ; ils auraient pu y remédier de bonne heure, et tenter de passer le bras de mer à une demi-lieue au-dessus, où il n'est plus qu'un ruisseau. La supériorité de son armée lui permettait d'en détacher quinze cents lances pour exécuter cette manœuvre, sans s'affaiblir, puisque, dans la position où il était, combattre avec quinze cents lances ou quatre mille était égal pour lui. Alors il serait arrivé de trois choses l'une : ou Montfort se serait opposé avec toute son armée à ce passage, ou il y eût seulement employé an détachement, ou il n'eût point du tout quitté "son camp; niais son armée était trop faible, et Chandos trop prudent pour la diviser et risquer de perdre, en cherchant deux champs de bataille, tout l'avantage que lui donnait sa position. Il est donc à présumer qu'il eût attendu qu'on vînt l'attaquer. Alors les quinze cents lances eussent passé sans obstacle; et, en prenant Montfort parle revers, eussent opéré, à armes égales, une diversion qui eût facilité à Charles le passage avec le gros de l'armée. Enfin la troisième faute, et la moins pardonnable sans contredit, fut de passer le bras de mer, de traverser le marais et de gravir la montagne en présence d'un ennemi habile qui l'attendait là. Les vaillants chevaliers bretons et français qui combattirent avec lui, et qui se fièrent peut-être comme lui sur leur bravoure et sur leur nombre, éprouvèrent que la valeur la plus intrépide ne suffit pas pour gagner des batailles. Ils payèrent presque tous leur présomption de leur vie ou de leur liberté; mais ils luttèrent long-temps contre la bravoure réfléchie de l'Anglais et contre les obstacles que la nature leur opposait. Aujourd'hui, dans une pareille position, Charles eût été détruit avant de sortir de son camp. Ce prince infortuné fut d'abord fait prisonnier, et ensuite poignardé par un soldat de la garde qu'on lui avait donnée. L'abbé des Fontaines a écrit que les principaux officiers des deux armées, ennuyés d'une guerre intestine qui les ruinait, étaient convenus entre eux de sacrifier celui des deux concurrents auquel la fortune serait contraire dans cette journée, et que l'assassinat de Charles fut une suite de cette convention. Mais où se tint le conseil de guerre qui prononça une sentence aussi étrange ? comment les chefs , séparés par un bras de mer, se rassemblèrent-ils pour délibérer sur cette matière ? C'est ce que l'abbé des Fontaines ne nous dit pas. Cette assertion nous paraît bien gratuite et tout à fait contradictoire avec les mœurs et l'esprit de ce temps-là. Il est vrai que Charles, vaincu et prisonnier, fut assassiné contre tout droit des gens et de la guerre; mais c'est au milieu d'une garde et par un simple soldat anglais.— On pourrait conjecturer que sa confiance dans le nombre et la valeur de ses chevaliers le perdit de toute manière; mais cette confiance ne le rendit point barbare, comme quelques-uns ont voulu le faire entendre. On a dit qu'il se croyait si sûr de la victoire qu'il publia, avant la bataille, qu'il ferait pendre tous les prisonniers qui lui tomberaient entre les mains. Ce n'est point la vérité qui a dicté celte assertion : c'est une calomnie atroce. Il suffit de lire l'histoire de ce prince, pour juger qu'il était incapable de se livrer à cet excès d'inhumanité. Il avait l'âme trop belle pour en concevoir même l'idée. On ajoute que le soldat qui l'égorgea put regarder cette action comme de justes représailles. C'est ce qu'on ne peut point encore avancer. En accordant même que Charles eût fait publier qu'il ferait essuyer aux prisonniers l'affreux tourment qu'on suppose, il ne serait pas vrai de dire que le soldat avait le droit de l'en punir en l'immolant, à moins de supposer aussi que ce soldat avait des ordres secrets de son général ou plutôt de Montfort ; car le général anglais , qui n'était qu'en qualité d'auxiliaire , n'avait aucun droit sur la vie du prince breton. Peut-on même dire que Montfort pouvait légitimement ordonner la mort de son rival, en conséquence des menaces de ce dernier, ou par quelque autre motif que ce fut ?

Nous nous sommes un peu étendu sur cet événement, parce que c'est un des plus intéressants de notre histoire. D'ailleurs il nous a paru susceptible d'une discussion que nous n'avons vue nulle part (1).

Montfort, devenu duc de Bretagne sous le nom de Jean IV, surnommé le Conquérant par la victoire qu'il venait de remporter, fonda, le 5 février 1382, en l'honneur de saint Michel, dans l'endroit où s'était livré le combat, une chapelle desservie par huit chapelains, pour implorer la miséricorde de Dieu en faveur de ceux qui y avaient perdu la vie. Il donna à ces prêtres une rente de 600 livres, à prendre sur les recettes de Lanvaux, d'Auray et de Vannes, et leur céda la châtellenie de Lanvaux, à l'exception du parc et de la pêche de l'étang, qu'il se réserva avec quelques autres droits. Cette chapelle fut nommée la Chapelle de Saint-Michel-du-Champ, et destinée pour la tenue des assemblées de l'ordre de l'Hermine, que ce prince institua aux États qui se tinrent cette môme année à Rennes. Les chevaliers de cet ordre étaient reçus par le duc, entre les mains duquel ils prêtaient serment, et portaient au cou un collier composé de deux chaînes d'or attachées par les deux bouts à deux couronnes ducales, dans lesquelles était renfermée une hermine passante. Une de ces couronnes pendait sur la poitrine, et l'autre était sur le cou. Chaque chaîne avait quatre fermoirs, sur chacun desquels était une hermine , avec cette inscription sur un rouleau : A MA VIE. Tous les chevaliers étaient tenus de se trouver, le jour de la fête de Saint-Michel, dans la chapelle de ce nom , où le-duc ne manquait pas de se rendre. Là, chacun faisait célébrer un certain nombre de messes pour le repos de l'âme de ses parents ; et les héritiers des chevaliers de cet ordre, qui étaient morts, étaient obligés de porter aux doyen et chapelains de Saint-Michel leurs colliers, pour être employés en calices, ornements et autres bonnes œuvres. Le 25 février 1396, le duc Jean ratifia, à Ploërmel, la fondation de la chapelle de Saint-Michel-du-Champ. Jean V, fils et successeur de Jean IV, ayant été informé que les colliers de plusieurs chevaliers morts de l'ordre de l'Hermine n'avaient point été remis aux doyen et chapelains de Saint-Michel, fit une ordonnance datée de son château d'Auray, le 25 novembre 1437, qui enjoignait à ses procureurs-généraux et autres ses officiers d'agir avec vigueur contre ceux qui auraient gardé lesdits colliers, et de les faire restituer ; et, en cas de refus de la part des contrevenants, de les ajourner devant lui, en son conseil, pour être poursuivis par les voies de droit.

Le 21 octobre 1480, l'église de Saint-Michel-du-Champ, qui était une collégiale, fut donnée aux Chartreux, et devint un monastère de cet ordre. Ce fut François II qui y appela ces religieux, qui en prirent possession, après toutes des formalités observées, le jour de la Madelaine 1482. Les premiers moines qui l'occupèrent furent tirés de la Chartreuse de Nantes, qui fit toute la dépense qu'exigeaient ces nouveaux colons, dont le nombre fut fixé, par la bulle de Sixte IV, à douze religieux et un prieur. La dépense que fit la maison de Nantes était très-considérable pour le temps; elle monta à plus de 800 livres; mais cette bonne mère crut ne devoir rien négliger pour l'avancement de ses enfants, qui lui ont sans doute payé avec usure les intérêts de ses avances. Dans les mains de ces austères cénobites, les revenus dotaux de 600 livres ont tellement fructifié, que cette communauté est riche de plus de 40,000 livres de rente. Cette maison magnifique et immense, ru égard au nombre de religieux qui l'habitent, est située dans une plaine assez vaste, que leurs soins ont embellie et défrichée. Des bois fort beaux l'environnent et en font un séjour agréable pour les propriétaires, et une promenade délicieuse pour les habitants d'Auray, qui n'en sont éloignés que d'une demi-lieue. Son église, reconstruite vers le milieu de ce siècle, dans le goût moderne, d'une simplicité majestueuse, inspire le respect en y entrant, comme les approches de la maison et le son de la cloche font naître le recueillement et la mélancolie pour peu qu'on ne les fréquente pas. Les cours, en grand nombre, sont remplies d'ateliers et d'ouvriers de toute espèce à l'usage de la maison. Les cloîtres, les jardins et les autres dépendances générales ont un air de grandeur qui annonce l'opulence. La bibliothèque offre une salle spacieuse, bien boisée et ornée. Les logements des religieux, presque tous réparés ou construits à neuf depuis quinze ans, sont composés d'une salle de compagnie à cheminée, d'une chambre à coucher, d'un réfectoire, d'un cabinet avec une petite bibliothèque, d'une belle galerie ou laboratoire, comprenant un tour et divers autres instruments mécaniques, et enfin d'un très-joli jardin à fleurs, avec un puits, et enclos de bons murs garnis d'arbres fruitiers. Chaque cellule a en outre un grenier et différents réserves de commodité. En un mot, toutes les parties de cette maison forment un ensemble digne de la curiosité des voyageurs qui ont quelques heures à passer à Auray. Mais les agréments extérieurs qu'elle offre à la vue ne peuvent diminuer que très-faiblement l'austérité de la pénitence de ceux qui l'habitent.

Nous joindrons à ce que nous avons dit de ce monastère des remarques politiques sur un usage établi de temps immémorial dans cette maison religieuse, et dont le principe, bon et louable en lui-même, a produit des suites très-fâcheuses. Soit obligation, soit pure charité, il  s'y fait tous les mardis une aumône générale. Cette aumône consiste dans un morceau de pain bis de deux livres ou plus, qui se distribue à la porte de la maison, à tout venant, enfant ou vieillard, homme ou femme, de quelque condition et qualité que ce soit. Personne n'est rebuté ce jour-là; et pour avoir part au bienfait, il suffit de se présenter et de tendre la main. Cette manière de faire l'aumône, outre qu'elle est très-dispendieuse pour la maison, à qui elle coûte environ un tonneau de seigle, c'est-à-dire environ 2000 livres, tous frais comptés, par semaine, et qu'elle produit peu de soulagement, parce que, pour une famille misérable, trois ou quatre livres de pain par semaine  sont un faible secours, est sujette à une multitude d'abus plus pernicieux les uns que les autres. - 1° A supposer que, dans le principe, il ne se rendît à cette distribution que de vrais indigents, il est certain que l'habitude de l'avoir y a bientôt entraîné des usurpateurs du pain des pauvres. - 2° Cette habitude est si bien enracinée, que l'on voit, dans l'étendue d'une lieue à la ronde, la journée du mardi, ou du moins l'après-midi entière, perdue pour beaucoup de journaliers pour venir chercher un morceau de pain. Il nous est souvent arrivé de proposer à des hommes ou à des jeunes gens qui y couraient une pièce de 12 sous pour aller à une lieue faire une commission, et nous avons toujours et le désagrément d'être refusés. - 3° Les femmes sont dans l'usage, pour avoir plus de morceaux, d'y conduire tous leurs enfants, et jusqu'à leurs nourrissons, quant elles en ont; et il n'y a guère d'habitants d'Auray qui n'aient mendié tandis qu'ils ont été en nourrice. Il résulte de là que ces enfants, forcés à tendre la main pendant quelques années chez les religieux, prennent goût au métier, et finissent par la tendre tous les jours et à tout le monde. - 4° Enfin, le goût et l'habitude de la mendicité se sont tellement fortifiés par de pareilles distributions en argent, établies chez des particuliers d'Auray riches et pieux, qui suivent pour modèles les révérends Pères Chartreux, que rien n'est si commun aujourd'hui que de voir des laboureurs riches vendre leurs possessions, des artisans leurs effets, et les uns et les autres en cacher soigneusement le prix, pour embrasser l'honnête profession de mendiant. Les facilités que toutes ces aumônes mal entendues et mal faites donnent à ces êtres inutiles et destructeurs, pour vivre sans peine et sans travail, en ont peuplé la ville d'Auray. Il n'y en a point dans le province où l'on voit autant de pauvres, tous venus des campagnes voisines; et c'est une de ses plus grandes calamités. Nous n'en avons point parlé à l'article Auray, parce que nous voulions rapprocher les effets de la cause.  Des conséquences aussi nuisibles à la culture et à l'industrie, dans un pays déjà appauvri par d'autres causes, sont bien suffisantes pour nous garantir du reproche d'indiscrétion que les personnes attaquées dans les abus que nous blâmons pourraient être tentées de nous faire; et nous osons nous flatter que les amis du bien public nous sauront gré d'avoir combattu cette manière d'exercer la charité, inutile à celui qui la fait, parce qu'elle est mal placée, et nuisible à celui qui le reçoit, puisqu'il pourrait s'en passer, et se procurer par son travail une subsistance honnête et facile. D'ailleurs, la publicité et l'ostentation dont ces aumônes sont accompagnées ne les rendent-elles pas contraires à l'esprit de l'Évangile, qui veut que la main gauche ignore ce que donne la droite ? Ne sont-elles pas condamnées par l'économie politique, qui n'y aperçoit que l'aliment de l'oisiveté et de la fantaisie, et la source d'une multitude de désordres secrets qui troublent sans cesse le repos de la société ?

La paroisse de Brech fut annexée à la mense capitulaire par Yves de Pont-Sal, évêque de Vannes, en vertu d'une bulle du pape Pie II, datée du 7 octobre 1452. Le 14 mai 1702, il y eut une lettre et arrêt du Conseil, portant suppression du droit de chauffage qu'avaient les Chartreux d'Auray dans la forêt de Lanvaux, moyennant la somme de 200 livres de rente pour indemnité de ce privilège.

Les maisons nobles de ce territoire sont : Kerivallan, à Henri le Parisi, seigneur de Kerivallan (Kermallan), qui fit bâtir, en 1436, le manoir du Merdi; et la Nellec (Limellet), à Michel Casiou, en 1536 à N....

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