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Ogée : Dictionnaire historique et géographique de Bretagne (vers 1780)

Machecoul; ville capitale du duché de Retz, avec titre de baronnie et de duché-pairie de France; à 8 lieues au S.-O. de Nantes, son évêché, et à 30lieues de Rennes. On y compte 3600 communiants. Il s'y tient un marché tous les mercredis. La haute, moyenne et basse-justice de la duché-pairie de Retz appartient à M. le duc de Villeroi. seigneur du lieu. Cette ville porte pour armes, de gueules à trois chevrons d'argent. Elle portait jadis, d'or à la croix de sable moderne. Elle renferme les deux paroisses de la Trinité et de Sainte-Croix, dont les cures sont à l'Ordinaire; deux abbayes, l'une de l'ordre de Saint-Benoît, et l'autre de Fontevrault (1); les couvents des Capucins et des religieuses Bénédictines du Calvaire; deux prieurés, qui sont le prieuré de Saint-Blaise, dépendant de l'abbaye de Tournus, ordre de Saint-Benoît, dans l'évêché de Châlons-sur-Marne, et le prieuré de Machecoul, dépendant de l'abbaye de Marmoutiers, ordre de Saint-Benoît, près Tours. On y trouve en outre une brigade de maréchaussée, une subdélégation, une poste aux lettres, un petit collège, et un fort château qui fut long-temps la demeure des seigneurs du canton.

A une lieue un quart à l'est-nord-est de Machecoul est la forêt de Machecoul, laquelle appartient à M. le duc de Villeroi; elle peut contenir trois mille arpents. Ce territoire est excellent et très-exactement cultivé : il produit du grain et du foin en abondance. On y voit quelques cantons de vignobles. Les premiers seigneurs, barons de Retz, tiraient leur origine du comte Lambert, qui, en 843, ravagea la ville de Nantes, et s'en fit recevoir comte. Ce seigneur donna à son neveu le pays d'Herbauges, et c'est de ce temps qu'on peut dater la fondation de la ville de Machecoul.

L'an 1008, Harcoïd de Sainte-Croix, baron de Retz, demeurait dans le château de Sainte-Croix, qui était situé près la paroisse de ce nom. Ce château avait été bâti par Bego, comte de Poitou. Hunfroi, comte d'Herbauges, alla l'assiéger, s'en rendit maître et le fit démolir : de sorte qu'on n'y voit plus aujourd'hui qu'une butte de terre, qui est à peu de distance du chemin de Nantes. Ce sont là les seuls vestiges qui en restent.

L'abbaye de la Chaume, ordre de Saint-Benoît, située à un quart de lieue au nord-ouest de Machecoul et dans son territoire, fut fondée en 1055 par Hascouet, second fils de Justin de Sainte-Croix, baron de Retz, qui, du consentement de Vuldegarde, son épouse, et de leurs enfants, Justin, Hilaire, Urvoi et André, donna à l'abbaye de Saint-Sauveur de Redon un lieu appelé la Chaume, où fut bâtie, en 1063, l'abbaye de ce nom. Machecoul se nommait alors la ville de Sainte-Croix. — La confrérie du Saint-Esprit fut établie à Machecoul l'an 1100, et desservie dans l'église de la Trinité de cette ville. — L'ancienne bourgade de Retz, qui ne subsiste plus, était située sur la rivière du Tenu. Les seigneurs, connus depuis Garsile et Gosselin frères, qui vivaient l'an 1138, prenaient le nom de Machecoul. — L'an 1200, André, baron de Vitré, épousa en troisièmes noces Eustache, fille de Hascouet, baron de Retz, qui donna pour dot à sa fille les terres et seigneuries de Blain, de Héric et les bords de la rivière de Loire, avec les biens qu'il possédait...

(1) L'abbaye de Saint-Benoît est celle de la Chaume. (Voir sur cette abbaye Dom Morice, Preuves, t. I, col. 406, 407, 456, 457.)

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... dans les paroisses de Vigneux, de Saint-Etienne-de-Mont-Luc,de Doulon, et au port Durand. Le contrat se fit du consentement de Gasuire de Retz, son fils, et le mariage fut célébré, le 25 mars de la même année, dans l'église de Saint-Pierre de Nantes, par Geoffroi, évêque de cette ville. — La même année 1200, Bernard de Machecoul fit refaire à neuf le pont du Pas-Arnoul, qui avait été détruit par la guerre. On croit que c'est ce seigneur qui fit commencer le canal qui va depuis Machecoul jusqu'au pont de la Hoche, et qu'il employa ses vassaux à ce travail. Il serait facile de réunir ce canal à la rivière du Tenu, et communiquer ainsi du lac de Grand-Lieu dans la rivière de Loire : ce qui serait très-utile au commerce de Machecoul. (Voy. Saint-Philbert de Grand-Lieu.) — En 1243, Mathieu le Veneur, chevalier, donna, du consentement de ses enfants, au prieuré de Machecoul, tout ce qu'il possédait au Fort-Faisant. Il ne retint que 2 sous de rente de tout ce que lui valait cette terre. — En 1256, Gérard Chabot. IIIè du nom, baron de Retz, avait une fille nommée Jeanne, qui fut surnommée la Folle, et déshéritée pour avoir épousé le seigneur de la Musse, en la paroisse de Ligné, parce que ce jeune homme n'était pas encore chevalier, mais seulement valet-servien (1). — En 1205, Ollivier, chevalier, seigneur de Machecoul, épousa la quatrième fille d'André, baron de Vitré. — En 1290, Jean de Machecoul vend à l'évêque de Nantes trente livres de rente qu'il avait sur les dîmes de la paroisse de Saint-Cyr, au pays de Retz. — En 1320, Ollivier Tornemine, seigneur de la Hunaudaye, épousa en premières noces Isabeau de Machecoul, fille de Gérard de Machecoul. (Voy. Plédéliac.) — En 1340, contrat de mariage, passé à Quintin, entre Louis de Machecoul et Jeanne de Beauci. — Jean de Machecoul fut tue au siège ou à la bataille de la Rochederien, donnée, le 20 juin 1347, entre Charles de Blois et Jean die Montfort. Après la mort du seigneur de Machecoul, cette terre fut unie à la baronnie de Retz, qui est un apanage du comté de Nantes, et n'en a plus été séparée. Les armes des seigneurs de Retz étaient, trois chevrons de gueules en champ d'argent, telles que sont celles qu'on voit sur le tombeau d'Alix de Bretagne, épouse de Pierre de Dreux, dans l'église de l'abbaye de Villeneuve (2). — En 1348,...

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(1) Ce nom ne se donnait pas aux simples écuyers, mais aux jeunes gens de la première distinction, qui attendaient l'âge nécessaire pour être faits chevaliers. Plusieurs auteurs donnent le litre de valet au prince de Constantinople, fils de l'empereur.

On voit dans un mémoire de Harouval que, dans l'état qui se fit pour la maison du roi Philippe-le-Bel, pour les années 1312 et 1313, les trois fils de ce monarque, qui furent successivement rois, et dont l'aîné était déjà roi de Navarre, étaient employés en qualité de valets, de même que plusieurs autres jeunes seigneurs, qui attendaient la promotion à la chevalerie. On donnait alors le nom de sergents-serviens aux domestiques ou laquais de nos jours. (Note de la 1ère édition).

(2) Ces armes étaient celles de la maison de Machecoul et non celles de la maison de Retz. Celles-ci étaient d'or à une croix de sable.

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... Briand, chevalier, seigneur de Machecoul, était conseiller du roi de France Philippe de Valois, VIè du nom, et maître des requêtes de son hôtel. — En 1371, Gérard Chabot, sire de Retz, chevalier banneret, avait une compagnie composée d'un chevalier et de vingt-sept écuyers, au service du roi de France Charles V. — En 1376, Foulques de Laval, seigneur de la Suze, de Chantocé et d'Ingrande, cinquième fils de Gui de Laval et de Béatrix, dame du Gavre, épousa Jeanne Chabot, dame de Retz, fille et seule héritière de Gérard Chabot, sire de Retz, et de Marie de Partenay. Ils eurent de leur mariage un fils nommé Gui, et deux filles. L'une, appelée Marie de Laval, épousa Guillaume Sauvage, seigneur du Plessix-Guérif; et l'autre, nommée Philippe de Laval, épousa Alain, seigneur de SafFré et de Sion.

Le 25 mars 1382, le duc Jean IV lui mis en possession du château de Machecoul et autres dépendances de cette baronnie, par Jeanne de Retz, fille de feu Gérard de Machecoul, qui ordonna à tous les vassaux sujets de cette baronnie de faire hommage et serment de fidélité au duc, comme à leur vrai seigneur. La même année, Jean de Montrelais, ayant été pourvu de l'évêché de Nantes, exigea que le duc assistât à son entrée, et le portât en son église en sa qualité de baron de Retz.

Gui de Laval, dit Brumor, chevalier, seigneur de Chaloyau et de Blason, succéda à Foulques de Laval, son père, dans la seigneurie de Retz. Il rendit de grands services à la France contre les Anglais et les Navarrois. Il épousa Jeanne de Montmorenci, dame de Blason, fille de Charles, baron de Montmorenci, maréchal de France; elle mourut sans postérité. Gui épousa, en secondes noces, Tiphaine, dite Etiennette, dame de Ducé, fille de Fratin de Husson, seigneur de Ducé, et de Clémence du Guesclin. Ce fut lui qui fut mis en possession de la baronnie de Retz dans le château de Machecoul, par lettres du duc de Bretagne Jean IV, datées du 26 février 1383. Ces lettres ordonnent à tous les vassaux et sujets de la baronnie de Retz de faire hommage et serment de fidélité au baron de Retz, comme à leur vrai seigneur : elles étaient adressées aux habitants des paroisses de Bourgneuf, Prince, Prigné, Pornic, l'île de Bouin, Saint-Etienne-de-Mer-Morte, la Benatte et Machecoul.

Gui de Laval, baron de Retz, mourut en 1383, laissant, de son mariage avec Tiphaine de Husson, deux garçons. L'aîné, nommé Foulques de Laval, mourut sans alliance en 1398; et le cadet, nomméGuy, succéda à la seigneurie de Retz.

Gui de Laval, IIè du nom, épousa Marie de Craon, fille de Jean, seigneur de la Suze, et mourut en 1406. Ses enfants furent Gilles et René de Laval, dont nous parlerons.

En 1420, on connaissait dans le territoire de la paroisse de Sainte-Croix de Machecoul les maisons nobles ci-après : l'ébergement de Guergoule, à Jacques Mahé; le Vivier, à Jean Bottereau; l'Ile-Gaudin, à Jacques Rousseau; la Chugnardière, à Jean Gogeon, chevalier, seigneur de la Chiugnardière; Dingollet, à Yvon de la Marne; Lombré, près Saint-Ladre, à N....; Lanbraye, à Rolland de Lannion; les Angles, à Guillaume de Saint-Aignan, seigneur des Angles; Plusquepoix, à Denis de l'Ecorce; le Coudraye, à Guyon le Port; le Bois, à Jean du Tierxent : la Clartière n'était alors qu'une métairie qui appartenait au sieur de la Clartière.

En 1488, Gilles de la Clartière, seigneur de la Clartière, refusa de prendre les armes contre les Français qui venaient d'entrer en Bretagne; le duc François II, pour le punir, fil saisir le château de la Clartière, avec tous les meubles et effets en or et argent qu'il contenait. En 1598, cette maison appartenait à Gui de la Chapelle, chevalier, gentilhomme ordinaire de là chambre du roi, seigneur de la Clarlière et d'une partie de la paroisse de Frossay; cette maison appartient aujourd'hui à Mme Montaudouin; l'hôtel du prieuré de Saint-Michel-de-l'Isle, au prieur. Le prieur de Saint-Ladre avait une métairie franche, et l'abbé de la Chaume avait une métairie aux Granges, en 1420.

Gilles de Laval, seigneur d'Ingrande, de Chantocé et autres lieux, succéda à son père à la baronnie de Retz, et épousa, par contrat du 30 novembre 1420, Catherine de Thouars, fille du seigneur de Pouzauges. Déjà doyen des barons de Bretagne, à cause de sa baronnie de Retz, il fut fait conseiller, chambellan du roi, et maréchal de France, en 1429, et assista au sacre du roi Charles VII en 1431. Il eut de son mariage Marie de Laval, dame de Retz, qui épousa d'abord Prigent, seigneur de Coëtivi, amiral de France; et, après la mort de celui-ci, André de Laval, seigneur de Lohéac, maréchal de France. Elle mourut sans postérité le 1er novembre 1458.

Jusque là, Gilles de Retz ne s'était fait connaître que par de belles actions : il s'était montré digne de l'estime publique et de sa naissance; mais il ternit dans la suite toute la gloire qu'il s'était acquise, et devint l'objet de l'exécration de son siècle et de la postérité. Il était puissamment riche, puisqu'il jouissait de 45,000 livres de revenu, somme à peu près équivalente à 100,000 écus de notre monnaie actuelle. Après la mort de son père, il prit (quoiqu'il n'eût encore que vingt ans) l'administration de tous ses biens, et en fit l'usage qu'en font ordinairement les jeunes gens sans conduite, sans jamais vouloir écouter les conseils de personne, pas même ceux de Jean de Craon, son aïeul, qui tenait partie de ses biens à bail.

Gilles de Retz monta une maison considérable, et, par une extravagance dont on ne l'aurait pas cru capable, il se fit bâtir une chapelle magnifique, desservie par plus de trente ecclésiastiques, tant chapelains que clercs et autres jeunes enfants qui le suivaient partout où il allait. Ces ecclésiastiques étaient servis par vingt domestiques qui vivaient aux dépens du seigneur de Retz. La dépense qu'il fit pour cette chapelle fut excessive : il l'orna des plus riches étoffes en or et en soie. Les croix, encensoirs, chandeliers, plats et autres meubles étaient d'argent massif. Il avait fait faire, outre cela, plusieurs jeux d'orgues, instrument dont il faisait ses délices; et même il en avait un qu'il faisait porter par un certain nombre d'hommes dans tous les lieux où il voyageait.

Le drap d'or était alors très-cher, puisque l'aune coûtait à peu près 600 livres de notre monnaie actuelle; mais, comme on le connaissait, on la lui vendait plus cher du double, de même que toutes les autres choses dont il avait besoin.

Les dignités de cette brillante chapelle étaient celles de doyen, de chantre, d'archidiacre, de vicaire et de maître d'école pour les enfants de chœur, comme dans les cathédrales. Il y avait même parmi eux un ecclésiastique qu'ils décoraient du titre d'évêque. Leurs gages étaient de 4 et de 300 écus, selon leurs rangs et dignités; et, malgré des sommes aussi considérables, Gilles de Retz fournissait en outre à leurs dépenses. Il leur donnait des robes traînantes de la paune la plus fine, avec des fourrures cl chapeaux de chœur de gris fin, doublés d étoffes précieuses. Aussi étaient-ils plus occupés de leur parure que de leurs devoirs. Ils faisaient parade de leur vanité et de leur orgueil jusque dans le sanctuaire, et scandalisaient au lieu d'édifier.

Quand il prenait envie à Gilles de Retz d'avoir quelque nouveau sujet pour sa chapelle, il lut donnait, outre ses gages, des héritages considérables, et comblait de bienfaits les parents de ce nouveau sujet. Il vit dans l'église cathédrale de Poitiers un enfant de chœur qui lui plut : il !e demanda à son père, auquel il donna 200 écus, et assura au fils la possession de la terre de la Rivière, située auprès de Machecoul, laquelle valait, en ce temps-là, 200 livres de rente.

Non content des bienfaits qu'il répandait sur ses chapelains, il envoya plusieurs fois vers le pape pour leur obtenir le droit de porter la mitre, comme les prélats, ou comme les chanoines de l'église cathédrale de Lyon. Il fit aussi demander au saint père la permission de fonder un collège de 4,000 livres de revenu, et d'y unir tous les bénéfices de son domaine; mais toutes ses demandes furent inutiles.

Tous ceux qui se présentaient chez lui étaient les bien venus : il leur faisait donner à boire et à manger avec la plus grande satisfaction. Libéral jusqu'à la prodigalité, il donnait tout ce qu'il avait; souvent même, tandis que les officiers de sa maison vivaient en grands seigneurs, il ne trouvait rien pour lui-même. Il avait établi des jeux et des farces : on représentait devant lui les mystères de la Pentecôte et l'Ascension de notre Seigneur, sur des échafauds sous lesquels il faisait placer un fou, nommé Hippocrate, et autres de cette espèce. Pendant ces fêtes, le vin n'était pas épargné, il y en avait pour tout le monde.

Gilles de Retz se plaisait beaucoup à Angers et à Orléans. Il passa une année entière dans cette dernière ville, sans affaires, et y dépensa plus de cent mille écus, y emprunta de l'argent de tous ceux qui voulurent lui en prêter, et engagea généralement tous les bijoux qu'il avait avec lui, et cela pour des sommes très-modiques. Il les racheta ensuite pour le même prix qu'ils lui avaient coûté la première fois chez les marchands. Il vendit en outre et engagea ses terres, et donna sa procuration en blanc de vendre sans lui en donner connaissance. Il constitua un nommé Bricqueville son procureur, avec pouvoir de contracter le mariage de Marie de Retz, sa fille et seule héritière, qui n'était alors âgée que de cinq ans, etc. etc.

Après tant de dépenses inutiles, il se livra aux plus grandes extravagances, se mit en tête de trouver la pierre philosophale. Il envoya en Allemagne et en d'autres pays chercher des maîtres dans cet art, ou plutôt des fous qui lui ressemblassent; il fit venir de Palerme un nommé Anth, par le conseil duquel il prodigua des sommes considérables; il verdit pour deux cent mille écus une partie de ses biens, qui en valait plus de trois cent mille.

Tout le monde voyait que ce seigneur dissipait son bien, et que son jugement était altéré jusqu'au point de vouloir attenter à ses jours. Ce bruit se répandit et parvint jusqu'aux oreilles du roi, qui, de l'avis de son conseil, lui fit défendre de vendre et d'aliéner aucuns de ses biens, et à toutes personnes de contracter avec lui : ce qui fut publié dans tous les endroits requis, avec ordre aux gouverneurs des places et forteresses dépendantes du pays de Retz de les garder et conserver au légitime héritier. Ces lettres furent notifiées au seigneur de Retz, et publiées à son de trompe, dans plusieurs villes, au mois de novembre 1435.

Ces humiliations, loin de faire rentrer Gilles en lui-même, le précipitèrent plus vivement dans tous les désordres : il s'abandonna à tous les crimes. Il avait auprès de lui des sorciers et des enchanteurs qui se flattaient de lui faire découvrir les trésors les plus cachés. Il corrompait et séduisait les jeunes gens de l'un et de l'autre sexe; et, après avoir assouvi sa brutale passion, il les tuait pour se servir de leur sang, qu'il croyait utile à ses sortilèges. Sur les plaintes publiques, il fut arrêté et mis entre les mains de la justice. Jean, dit de Malestroit et de Châteaugiron, évêque de Nantes, lui fit son procès, avec le sénéchal de Rennes, juge-général du pays. Ils le condamnèrent à être brûlé vif, le 23 octobre, et, selon d'autres, le 23 décembre 1440, dans la prairie de Biesse, à Nantes. Le duc Jean V assista à son supplice, et adoucit la sentence, en ordonnant qu'on l'étranglât avant de le jeter dans les flammes, et qu'on enterrât son corps, qui fut peu endommagé par le feu. On remarque dans son procès qu'il était criminel d'Etat, et que le duc de Bretagne fut bien aise de venger sa cause en vengeant celle de Dieu. (Voy. Nantes.)

On voit dans le château de Machecoul le sabre de Gilles de Retz, qui est d'une longueur et d'une largeur extraordinaires. Son nom, prononcé devant les paysans du pays, leur inspire encore de l'indignation et de l'effroi, tant ce scélérat était redouté de ses malheureux vassaux.

L'évêque de Nantes acheta de lui les terres de Prigné, de Vue, du Bois-Tréan, de la paroisse de Saint-Michel de Chef Chef, et autres biens situés dans le duché de Retz, pour quatorze mille écus d'or, somme à peu près équivalente à celle de deux cent mille livres de notre monnaie actuelle.

René de Laval, frère cadet du précédent, épousa Aune de Champagne, fille de Jean de Champagne, dans le Maine, de laquelle il eut Jeanne de Laval, dame de Retz, laquelle prit en mariage Francois de  Chauvigni, vicomte de Brosses.

En 1473, le roi de France, Louis XI, entra en Bretagne, à la tête de cinquante mille hommes de troupes, et commença ses opérations par la prise de la ville et du château de Machecoul, trop faibles pour résister à des forces si supérieures. René de Laval mourut en 1473.

André de Laval, seigneur de Retz et de Lohéac, était second fils de Jean de Montfort, seigneur de Kergolai et d'Anne de Laval, héritière de cette maison, dont il prit le nom et les armes. Il fut fait chevalier, à l'âge de douze ans, au combat de GravelIe, livré eu 1423; amiral de France en 1437; chevalier de Saint-Michel en 1460, et mourut sans postérité en  I486.

Le 25 juin 1448, le duc François Ier, étant à Nantes, accorda le droit de congé et de menée aux plaids de Nantes à Prigent, sire de Retz et amiral de France, pour lui et Marie de Retz, son épouse et leurs successeurs, et exempta leurs vassaux, tant du pays de Retz que du comté de Nantes, de l'obéissance et appel par devant l'alloué de cette dernière ville.

Pierre de Laval, archevêque de Reims, administrateur des évêchés de Saint-Malo et de Saint-Brieuc, et abbé de plusieurs monastères, était fils de Gui, comte de Laval et baron de Vitré, et d'Isabeau de Bretagne. Il fut élu évêque de Saint-Brieuc eu 1472, et transféré à l'archevêché de Reims, par le pape Sixte IV, eu 1473. Il sacra le roi Charles VIII, et mourut le 14 août 1493, peu regretté du du chapitre de Reims, qu'il avait offensé par ses hauteurs et ses manières impérieuses. Son corps fut transporté dans son abbaye de Saint-Aubin d'Angers, où l'on voit son épitaphe.

Claude Annebaud, baron de Retz et de la Hunaudaye, commandeur de l'ordre de Saint-Michel, maréchal et amiral de France, eut beaucoup de part aux bonnes grâces du roi François Ier. Il commença à se faire distinguer à la défense de la ville de Mézières, assiégée par le prince de Nassau, et défendue par le chevalier Bayard. Il fut fait prisonnier à la bataille de Pavie; mais il fut échangé, et alla défendre la ville de Turin, qui était assiégée par l'armée impériale. Il se rendit maître des villes de Quieras, Saluces et autres places du Piémont. En 1536, il fut capitaine de la cavalerie légère, et se couvrit de gloire en donnant du secours à Thérouane; mais, quelques jeunes gens l'ayant engagé dans un combat auprès de cette ville, il fut l'ait prisonnier en 1537. Dès qu'il fut libre, il se rendit maître de la ville de Saint-Pol; ce qui lui mérita le bâton de maréchal de France et le gouvernement du Piémont. Il fut envoyé en ambassade à Venise en 1543, et créé amiral de France on 1545. Il gagna trois batailles navales contre les Anglais, et moyenna ensuite la paix avec la France, l'Empire et l'Angleterre. Il mourut premier ministre à la Fère, en Picardie, le 2 novembre 1552, et fut enterré à Annebaud, en Normandie, dont il avait été gouverneur. — Il laissa, de son mariage avec Marie Tornemine, baronne de Retz et de la Hunaudaye, Madelaine, qui épousa, en premières noces, Gabriel, marquis de la Suze; en secondes noces, Jacques de Silli, comte de la Rochepot, et en troisièmes noces, Jean d'Annebaud, baron de Retz et de la Hunaudaye, qui se distingua en plusieurs rencontres. Il fut l'ait prisonnier, en 1558, au combat de Graveline, et fut tué au combat de Dreux en 1562. Il avait épousé, en premières noces, Antoine de la Baume, dame de Château-Vilain, de laquelle il n'eut qu'une fille, morte en 1560.Il se remaria, en secondes noces, avec Claude-Catherine de Clermont. dame de Dampierre, de laquelle il n'eut point d'enfants. Cette dernière eut pour ses deniers dotaux la baronnie de Retz, qu'elle porta dans la maison de Gondi, par son mariage avec Albert, qui suit. — Albert de Gondi, seigneur de Belle-Ile-en-Mer, eut beaucoup de part aux bonnes grâces du roi Charles IX, qui l'honora toujours d'une bienveillance particulière. Il le fit premier gentilhomme de sa chambre, puis son grand chambellan, maréchal de France en 1565, et l'envoya en ambassade en Angleterre en 1566.— Le roi Henri III choisit le maréchal de Retz pour représenter le connétable à son sacre, et le fit général de ses galères et chevalier de ses ordres. En 1 57S, il fut fait gouverneur de la Provence, de Metz, des ville cl château de Nantes, et généralissime des armées de France. Les Capucins furent fondés, à Machecoul, en 1579.

La baronnie de Retz fut érigée en duché-pairie par lettres du roi Henri III, données à Paris, au mois de novembre 1581, en faveur d'Albert de Gondi, baron de Retz. Ces lettres furent enregistrées au Parlement le 20 mars 1582. Ce duché a deux sièges, qui sont ceux de Bourgneuf et Pornic, avec plusieurs autres jurisdictions qui en relèvent.

Au mois d'août 1588, Henri, roi de Navarre, assiégea la ville et le château de Machecoul; mais ils furent si bien défendus, que, malgré leur nombreuse artillerie, les Navarrois levèrent le siège. — Le maréchal, qui, comme nous avons déjà dit, était gouverneur de Nantes, avait un droit sur tous les bouchers de cette ville. Ce droit était que, le jour du mardi-gras, chaque boucher devait lui donner un denier, et si le boucher ne donnait pas ce denier au même instant qu'un des officiers du maréchal lui présentait une aiguille, cet officier pouvait piquer de son aiguille le premier morceau de viande qui lui plaisait et l'emporter. — Après la mort de Henri III, le maréchal de Retz s'attacha à Henri IV, qui le nomma pour représenter le comté de Toulouse à son sacre, en 1594.

En 1603 mourut la célèbre Catherine de Clermont, baronne de Retz et dame de Dampierre, veuve de Jean d'Annebaud, baron de Retz, et épouse actuelle d'Albert de Gondi, baron de Retz. Elle eut, de son second mariage, Charles-Henri et Philippe-Emmanuel. Henri fut nommé maître de l'oratoire du roi et commandeur de ses ordres, en 1618; ensuite évêque de Paris; puis cardinal, en 1619, par le pape Paul V, et mourut à Béziers, le 3 août 1622.

Charles de Gondi, frère cadet d'Albert de Gondi, mourut eu 1578. — Charles de Gondi, fils aîné d'Albert, fut marquis de Belle-Ile et amiral de Bretagne. Il épousa Antoinette, fille de N. d'Orléans, duc de Longueville et de Marie de Bourbon, et fut tué, l'an 1596, au mont Saint-Michel, qu'il voulait surprendre, par Kermartin, capitaine du roi Henri IV. Son corps fut porté à Nantes, couvert de deuil, et demeura eu dépôt pendant deux jours dans l'église des Chartreux. Le troisième, le convoi s'assembla : il commençait par les gens de guerre, en armes et en deuil; le duc de Mercœur venait ensuite, tenant par la main le marquis de Belle-Ile, qui n'avait encore que six ans. Après le service, le duc de Mercœur reconduisit le deuil. Le 11 juin, on lui fit encore un autre service aussi solennel que le premier, après lequel le corps fut mis dans un carrosse, couvert d'un drap noir, et, par dessus, d'un drap mortuaire, et fut conduit à Machecoul ou il fui inhumé. Le duc de Mercœur accompagna le corps jusqu'à Pont-Rousseau. La marquise, inconsolable de la perte de son époux, prit l'habit de Feuillantine à Toulouse, sous le nom d'Antoinette de Sainte-Scholastique. Peu de temps après, le pape Clément VIII lui enjoignit de prendre l'administration de l'abbaye chef d'ordre de Fontevrault; elle obéit, mais elle refusa constamment le titre d'abbesse. Elle se retira dans la suite à Poitiers, où elle fonda un monastère, dans lequel elle mourut en 1618. — Henri de Gondi, duc de Retz, succéda à Charles de Gondi, son père.

En 1598, Valentin de la Pardière était gouverneur de Machecoul. Le roi Henri IV fit démolir, cette même année, un fort château qu'avait, auprès de Machecoul, la duchesse de Lesdiguières.

Environ l'an 1603, les habitants de là ville de Machecoul firent entr'eux un statut qui portait que quiconque entendrait jurer le saint nom de Dieu donnerait un soufflet au coupable, sans que celui-ci eût le droit de s'en plaindre. Ce règlement causa plusieurs querelles assez fâcheuses, qui furent cause qu'il fut anéanti. La cure de Sainte-Croix était alors présentée par l'abbaye do Dol, ordre de Saint-Benoît, située dans l'évêché de Bordeaux.

Henri de Gondi, duc de Retz, pair de France et chevalier des ordres du roi, épousa, le 15 mai 1610, Jeanne de Scepeaux, fille unique de Gui de Scepeaux, duc de Beaupreau et comte de Chemillé, de laquelle il eut Catherine de Retz, dont on parlera. — Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joigny, était le troisième fils d'Albert de Gondi, maréchal, duc de Retz. En 1619, il fut fait lieutenant pour le roi dans Ies mers du Levant, chevalier de ses ordres, général des galères et capitaine :!e cent hommes d'armes. Après avoir fait quelques campagnes, il se retira chez les pères de l'Oratoire, se fit prêtre et mourut à Joigny le 29 juin 1622. Il avait épousé Marguerite de Silli, demoiselle de Commerci, fille d'Antoine, comte de la Hochepot, chevalier des ordres du roi et gouverneur de la province d'Anjou, de laquelle il eut Pierre de Gondi, depuis duc de Retz; Henri, marquis de l'Ile-d'Or, et Jean-Francois-Paul, créé cardinal par le pape Innocent X, en 1652, archevêque de Corinthe, et enfin coadjuteur de l'archevêque de Paris, son oncle, dont il fut le successeur. C'est ce cardinal, si fameux dans l'histoire de la régence d'Aune d'Autriche, qui, né avec des talents rares, n'en sut jamais faire un bon usage. Fier et audacieux, il voulait à peine céder le pas aux princes du sang; ambitieux jusqu'à l'excès, il ne voyait qu'une seule place digne de lui, qui était celle de premier ministre; intrépide jusqu'à la témérité, il cachait, sous l'habit d'un prêtre, l'âme du plus vaillant guerrier; souple, adroit, insinuant, il entraînait tout le monde par son éloquence; il trompa tour à tour les Parisiens et le parlement, les princes et la cour : il fut enfin arrêté et renfermé dans le château de Nantes. Il trouva le moyen de se sauver et se retira à Rome en 1661. Il fit ensuite sa paix, se démit de l'archevêché de Paris, et reçut en échange l'abbaye de Saint-Denis : il avait déjà celles Buzay et de Sainte-Croix de Quimperlé. Il voulut rendre son chapeau de cardinal au pape Clément X; mais, à la sollicitation du roi, le pontife lui ordonna de le garder. Il avait fait pour trois millions de dettes, qu'il eut la consolation de payer avant sa mort. Il mourut à Paris l'an 1679. — Catherine de Retz, fille et seule héritière de Henri de Gondi, duc du Retz, et de Jeanne de Scepeaux, épousa, l'an 1633, son cousin Pierre de Gondi, frère aîné du cardinal. Le roi Louis XIII renouvela en sa faveur la duché-pairie de Retz. Les nouvelles lettres portent que Pierre de Gondi ne prendra séance que du jour de leur vérification, qui fut faite au mois de mars 163/t. Ce seigneur fut général des galères sur la démission de son père, et eut une épaule cassée et un cheval tué sous lui dans le combat qu'on livra, l'an 1635, aux Rochelais, dans l'île de Ré. Il fut fait chevalier des ordres du roi en 1661, et mourut le 20 avril 1676. Il laissa de son mariage Marie-Catherine, qui fut religieuse bénédictine du Calvaire à Paris, et en considération de laquelle ses père et mère fondèrent, en 1673, le couvent du Calvaire à Machecoul; et Paule-Marguerite-Francoise de Gondi, duchesse de Retz, marquise de la Garnaehe, qui épousa, le 12 mars 1675, François-Emmanuel de Blanchefort de Bonne de Créquy, duc de Lesdiguières, pair de France, gouverneur du Dauphiné, qui mourut en 1681.

Catherine, duchesse de Retz, et la duchesse de Brissac, prirent des arbitres, en 1665, pour faire leur partage. Il fut adjugé à la duchesse de Brissac le tiers en propriété de toutes les terres que leurs père et mère possédaient en Bretagne, y compris le duché de Retz : ce qui fut exécuté par un prisage dans lequel entrèrent les forêts de Machecoul et de Prince. La sentence arbitrale fut rendue dans les premiers jours de janvier 1666. Ce duché, est passé dans la maison de Neufville de Villeroi, par le mariage de François, duc de Villeroy, avec Marguerite de Cosse, fille de Louis, duc de Brissac, et de Catherine de Gondi, son épouse, et héritière du duché de Retz. — En 1765, M. l'abbé du Bois, curé et doyen de la paroisse de la Trinité de Machecoul, établit dans cette ville une filature de coton, pour procurer aux pauvres filles et femmes un travail assuré, capable de fournir à leur subsistance. Depuis ce sage et utile établissement, on n'y voit plus cette foule de mendiants qu'on y remarquait jadis. — En 1767, l'abbaye de la Chaume* avait si peu de moines, qu'elle fut réunie à celle de Vertou, qui est du même ordre.

 

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