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Chapitre VIII

La Bretagne sous la botte romaine

 

Les notes se trouvent sur la page de renvoi : 

Notes : La Bretagne sous la botte romaine

Néron

            I. Paix romaine dans la Bretagne du sud.

            Comme nous l'avons vu précédemment, il n'y a pas d'autre qualificatif que celui de désastreux pour définir la situation du sud de la Bretagne en cette fin d'année 61, d'autant que tous les incendies qui ont enflammé les passions et les haines ne sont pas près de s'éteindre.

            Dès sa nomination, le nouveau procurateur, Julius Classicianus, successeur de Catus, va même jusqu'à affirmer : " ... qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que la lutte finît jamais, tant que Suetonius ne serait pas remplacé ...", attribuant les revers aux plans défectueux du gouverneur et les succès à la "fortune" de César. C'est bien là l'aveu que les Romains sont passés bien près d'une catastrophe majeure, et qu'ils ne s'en sont tirés que par une chance extrême. (1)

            Après vérification sur place par son affranchi Polyclite, Néron laisse Suetonius aux commandes de l'armée de Bretagne jusqu'à la fin de l'année, puis le remplace par Petronius Turpilianus. (2)

            Ce dernier, contrairement à ses prédécesseurs, n'est pas un militaire, mais un diplomate. En tant que tel, il est chargé par l'empereur de remettre de l'ordre dans la province, en évitant de provoquer à nouveau l'humeur et la révolte des cités afin que la tragédie de 60-61 ne se reproduise pas (3).

            Aussi, préférant pratiquer la diplomatie que la guerre, Turpilianus parvient à préserver la paix, en n'affrontant ni les tribus de l'ouest, ni l'armée des Brigantes sous les ordres de Venutius. C'est à partir de ce moment une sorte d'armistice de fait, un cessez-le-feu, qui s'instaure entre les envahisseurs romains et les tenants du nationalisme et de l'indépendance. Cette situation de ni guerre ni paix ainsi installée, Petronius Turpilianus remet la province en 63 à son successeur Trebellius Maximus, lui aussi un diplomate.

            La situation dans l'Ile est à ce point tranquille que Néron n'hésite pas, en 66, à retirer provisoirement  la Legio XIV Gemina, pour l'envoyer apparemment en renfort en Arménie. (4)

            Les autres légions restantes sont redistribuées comme suit :

            - Legio XX, désormais gratifiée de l'épithète Valeria Victrix, quitte Glevum / Gloucester pour prendre la place de la Legio XIV Gemina à Viroconium / Wroxeter;

            - Legio II Augusta quitte Isca Dumnoniorum / Exeter pour prendre la place de la Legio XX Valeria Victrix à Glevum / Gloucester;

            - Legio IX Hispania reste cantonnée à Lindum / Lincoln, mais dans une nouvelle forteresse.

            II. Reconstruction.

            Avec l'instauration de cette pause militaire, les responsable de la Province ont également pour tâche essentielle de reconstruire et de redonner vie à ce qui a été détruit dans le brasier de la révolte.

            Sur le plan civil, on s'attache à remettre en état la colonie de Camulodunum / Colchester, ainsi que les villes de Londinium / Londres et de Verulamium / Saint Alban's. On jette les bases d'un port important sur la Manche, à Dubris / Douvres, en corrélation avec celui de Gesoriacum / Boulogne sur Mer, sur la côte nord de la Gaule belgique.

            Sur le plan administratif, une mutation importante est entreprise entre Camulodunum / Colchester et Londinium / Londres. En effet, les responsables romains estiment que le site de Londinium / Londres est mieux placé, en bordure d'une grande voie navigable, et par conséquent plus intéressant pour l'épanouissement de la civilisation romaine dans l'Ile que le site de Camulodunum / Colchester.

            Camulodunum / Colchester, tout en conservant son titre de colonie, est donc remplacée progressivement dans son rôle de capitale de la Bretagne romaine par Londinium / Londres, qui devient ainsi le siège du gouverneur et celui de l'administration.

            L'organisation de la Province romaine se fait à partir des grandes tribus existantes, chacune d'elles devenant une civitas , administrée par la noblesse locale sous l'œil vigilant des représentants du gouverneur. On remarque toutefois que la plupart des sites des capitales bretonnes sont nouveaux ou déplacés, les Romains préférant abandonner les forteresses bretonnes préexistantes situées sur des hauteurs, au profit de villes nouvelles ouvertes, adaptées à la conception romaine de marché et de commerce, et de préférence aux abords des fleuves et des rivières.

            Parmi les capitales ainsi déplacées, on peut citer le cas de Durovernum / Canterbury et de Durnovaria / Dorchester, la première quittant la forteresse de Bigbury pour s'installer à l'endroit de passage au fond de l'embouchure de la rivières Stour, la seconde quittant la forteresse de Maiden Castle au profit d'un site près de la rivière Frome.

            Parmi les villes nouvelles, on peut aussi faire la distinction en deux catégories : celles qui sont issues d'un vicus, constituées auprès ou autour d'une installation militaire, comme dans les cas d'Isca Dumnoniorum / Exter, Lindum / Lincoln, Corinium / Cirencester, Ratae Coritanorum / Leicester, sans oublier Londinium et Camulodunum, d'une part, et d'autre part celles qui sont constituées de toutes pièces à partir d'un marché local comme  Noviomagus / Chichester, Venta Belgarum / Winchester, Venta Icenorum / Caistor St Edmund's. (5)

            Leur répartition ne se fait nullement au hasard comme on serait tenté de le croire a priori, mais selon un plan parfaitement organisé qui tient compte des concepts géographiques, humains, et même mathématiques et géométriques. (6)

            En ce qui concerne la défense, en dehors des forts de la ligne de démarcation que l'on s'attache à reconstruire et à maintenir opérationnels, il semble que l'accent soit mis également sur les forts des côtes de la Manche et de la Mer du Nord, et en particulier celui de Regulbium, qui commande l'embouchure de la Tamesa, et ceux de Rutupiae / Richborough et de Lemanis / Lympne, qui commandent les deux extrémités du détroit entre la Gaule et l'Ile de Bretagne.

           III. Guerre civile à Rome. 68 - 70.

 

Galba

Othon

document en attente

Vitellius

Vespasien

            A Rome, pour des causes strictement intérieures, la situation politique se dégrade très rapidement, et s'il nous est permis d'en parler ici, c'est afin d'expliquer la part prise par les légions de Bretagne et par leurs chefs dans ce conflit.

            Néron, dont le règne avait commencé sous de bons auspices, a fini comme d'autres empereurs avant lui, par se laisser aller, sous le couvert de sa fonction, à toutes sortes d'extravagances, de cruautés et de folies dont le paroxysme a été l'incendie volontaire de la capitale de l'empire romain. Néron est maintenant détesté, haï, et vomi par une grande majorité de la population que cette situation commence à pousser à la révolte. En fin de compte, pour échapper à la vindicte populaire, Néron "se fait suicider" le 09 juin 68, d'un coup de poignard dans la gorge. Il est alors âgé de 32 ans.

            Aussitôt, un ami personnel de l'ancien empereur défunt Claude, Servius Sulpicius Galba, est proclamé empereur en Espagne. En Bretagne, Trebellius Maximus prend position contre Galba, mais l'armée refuse de le suivre. C'est alors qu'un autre prétendant à l'Empire, Marcus Salvius Otho, que nous connaissons sous le nom d'Othon, se fait proclamer à son tour empereur en Espagne en janvier 69 et fait assassiner à Rome même Galba et le fils adoptif de celui-ci, Pison, dont il est jaloux à crever.

            Dès ce moment, les choses se précipitent. Aulus Vitellius, gouverneur de Germanie, prend ouvertement position contre Othon et se fait proclamer à son tout empereur par ses légions dès l'annonce de la mort de Galba. Les légions britanniques adhèrent au parti de Vitellius, et Trebellius, le gouverneur de Bretagne, qui est en violent désaccord avec Roscius Coelius, commandant de la Legio XX Valeria Victrix, est obligé de se cacher et de s'enfuir de Bretagne. Vettius Bolanus, qui est de l'entourage de Vitellius, est alors nommé par celui-ci gouverneur de Bretagne en remplacement de Trebellius.

             La Legio XIV Gemina, qui fait alors campagne en Gaule sous le commandement de Fabius Valens pour le compte de Vitellius, est partiellement engagée à la bataille de Bédriac, en avril 69, où les Vitelliens sont vainqueurs des Othoniens. Apprenant la nouvelle de la défaite, Othon se suicide d'un coup de poignard sous le sein gauche. Après cette victoire, la Legio XIV Gemina est renvoyée en Bretagne, non sans rencontrer en route quelques frictions avec des cohortes bataves auxiliaires.

            Mais alors que l'on croit la situation définitivement acquise pour Vitellius, voilà qu'un nouveau prétendant entre en compétition pour l'accession au trône impérial. Il s'agit de Vespasien lui-même, l'ancien commandant victorieux de la Legio II Augusta, et qui avait reçu pour cela les honneurs après ses victoires lors de la conquête du sud-ouest de la Bretagne. Vespasien vient d'être proclamé empereur en Égypte le Ier juillet 69.

            Vitellius rappelle alors sur le continent des détachements des trois légions restées en Bretagne et l'élite des auxiliaires pour les joindre à son armée de Germanie. Mais la bataille de Crémone, mal engagée, voit la défaite des Vitelliens devant l'armée commandée par Antoninus Primus pour le compte de Vespasien. Vitellius est capturé et exécuté peu de temps après sa défaite de Crémone.

            Vespasien sort donc grand vainqueur de cette guerre civile et l'armée de Bretagne, incitée en cela par la Legio II Augusta et par Petilius Cerialis, malgré quelques réticences, rejoint le camp de l'empereur. Seuls la Basse Germanie et quelques peuplades du nord de la Belgique tentent encore de résister, sous le commandement de l'intrépide Civilis.

            Vespasien confie à Petilius Cerialis, commandant de la Legio IX Hispania, le commandement de l'armée impériale de Bretagne, et lui adjoint la Legio XIV Gemina, rappelée à nouveau en Bretagne pour cette circonstance. Petilius Cerialis règle rapidement le problème en s'emparant de Mayence et de Trèves, les deux villes rebelles.

 

               IV. Venutius s'empare du royaume de Brigantia.

            Voyant les Romains retirer progressivement leurs forces de l'Ile et se déchirer dans une guerre civile, Venutius estime la situation fort à propos pour s'emparer du reste du royaume des Brigantes encore sous le contrôle de la reine Cartimandua, ce qu'il fait sans coup férir et sans guère rencontrer de résistance. Les Romains se contentent d'envoyer quelques troupes pour sauver la reine du massacre, puis se retirent derrière la ligne de démarcation, laissant la victoire à Venutius.

Notes : La Bretagne sous la botte romaine

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