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Analyse spatiale  des indications géographiques données par Nennius

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a) "... depuis l'étang qui se trouve (super verticem) Mont Jovis jusqu'à la cité que l'on nomme Cant Guic, et jusqu'au sommet occidental c'est-à-dire Cruc Ochidient."

b) "... ce sont les Bretons Armoricains..."

 


Cant Guic

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   Avec l'identification précédente du Mont Jovis à la cime de Kerchouan, nous avons maintenant la conviction que la limite de référence est bien la rivière du Gouet, celle-là même qui a constitué pendant au moins mille ans la limite entre les cités des Ossismes et des Curiosolites. La logique veut maintenant que nous suivions son cours jusqu'à la mer.


   Or là, comme nous venons de le voir, ce n'est pas un stabulum que nous avons, mais deux : Étables-sur-Mer et Hillion.


A) Le cas d'Hillion.


   II s'agit là d'un cas déjà connu de l'histoire de la Bretagne. Il se rattache à l'épisode de la venue de saint Brieuc et de ses quatre-vingt-quatre moines en Armorique. Cela nous situe vers 485, c'est-à-dire cent ans environ après les événements qui nous intéressent.

   Ce que nous en savons est issu du manuscrit de Rouen de la Vita Briocii, que l'on pense avoir été composée au onzième ou au douzième siècle. 

   Selon cette "Vie" (chap. 44 et suivants), Brieuc et ses compagnons ont d'abord mis pied à terre à l'embouchure du Gouet, avant de se regrouper près de la fontaine des Ardents. C'est alors qu'intervient, le comte Rigual (Riwal), qui commande à ce pays. Après s'être reconnu des liens de parenté et de religion, Rigual fait don à Brieuc des domaines du Champ-du-Rouvre, puis se retire lui-même dans son autre domaine nommé "... Aulam Helyoni quae olim Vêtus Stabulum uocabatur...", c'est-à-dire "... Lis Helion que l'on appelait précédemment Vieille Étable...".

   II s'agit actuellement du lieu-dit Licellion, en limite sud de la commune d'Hillion. On retrouve d'ailleurs le nom sous la forme Lissilion en 1436. Ce nom est issu de lez, vieux-breton lis, qui signifie "cour", dans son sens de propriété ou assemblée seigneuriale, et de Sulion (1).

   Sur le plan archéologique, le site de la commune d'Hillion, comme celui d'Yffiniac, la commune voisine de Licellion, sont riches en découvertes gallo-romaines, en objets de toutes sortes, notamment des monnaies du bas empire.

   L'étude des toponymes de la région laisse d'ailleurs à penser à une occupation gallo-romaine importante : Pommeret (pommeratum, "pommeraie"), Quessoy (Cassenatum, chesnaye), Meslin (Mediolanum ?), Yffiniac (lieu planté d'ifs ?). On trouve même le toponyme de Cesson, qui semble être issu de 'saxon' et qui peut désigner soit un nom de personne, soit un nom d'une petite collectivité saxonne installée là en qualité de fédérés.

   Ce qui semble particulièrement important, en ce qui concerne Hillion elle-même, c'est la convergence et le nombre de voies romaines qui s'y rattachent. Entre autres, Hillion se trouve au carrefour des voies d'Aleth (Saint-Malo) à Carhaix, et de Corseul, via Lamballe, au Yaudet. Mais ce n'est là que la partie visible du problème, qui ne traite que des voies principales de cité à cité.

   Hillion retient aussi l'attention en ce qui concerne le réseau secondaire.

   Il apparaît, en effet, que deux voies partent (ou aboutissent) à Cesson, de l'autre côté de la baie :

   - celle qui va de Cesson à Lamballe, en traversant l'anse d'Yffiniac et se dirigeant vers le bourg d'Hillion, Licantois, Coëtmieux, puis Lamballe;

   - celle qui va de Cesson à Aleth, en traversant l'anse d'Yffiniac, passant au bourg d'Hillion, traversant la grève de la plage de la Grand-ville jusqu'au lieu-dit l'Ermot-d'en-Bas, en Morieux, puis se dirigeant vers Saint-Alban, La Bouillie (Boelea ? Betulus ?), etc.

   Quatre sites émergent donc du fait de leur importance locale : Licellion, qui commande le passage sud; le bourg, qui commande l'extrémité du gué vers Cesson, d'où la présence d'un ancien château fort au milieu du bourg; la Grandville, 'la Grande Villa', qui commande le passage nord de la grève du même nom et qui est riche au point de vue archéologique; et enfin les Ponts-Neufs, qui se trouvent au passage est, vers Planguenoual.

   Il est indéniable que trois au moins de ces sites sont d'époque gallo-romaine : Licellion, le bourg (avec l'Hôtellerie) et la Grandville. Ce qui semble encore plus curieux est la présence d'un lieu-dit Fortville, situé au centre géographique de la presqu'île d'Hillion. D'une part, il se trouve à l'intersection des routes de Hillion-Coëtmieux et Licellion-Grandville, et s'inscrit dans un rectangle de 400 m sur 200 m environ et, d'autre part, il serait difficile de ne pas y voir 'la ville forte' ou 'la villa fortifiée'.

   Et que dire enfin du lieu appelé Licantois, situé à 800 m de là et où l'on trouve encore les restes d'un manoir du seizième siècle. Si l'on considère que la première syllabe est identique à celle de Licellion, à savoir Lis, "cour", il est fort probable que Gantois soit un nom d'homme, formé de cant, qui entre en composition d'anthroponymes vieux-bretons et peut-être du suffixe adjectival -oe.

   Ce serait manquer de perspicacité si nous n'évoquions l'un des autres aspects essentiels du site d'Hillion : son emplacement au sud, et dans l'axe exact de la baie de Saint-Brieuc. Il est une évidence incontestable que le site de Lermot et de la pointe des Guettes, au nord du territoire d'Hillion, étaient et sont toujours des points de repères essentiels pour la navigation maritime dans la baie.

   On peut parfaitement s'imaginer un balisage aligné sur le cap d'Erquy, la pointe de Pléneuf, la pointe des Guettes et la pointe de Cesson, d'autant que ces quatre points sont confirmés pour avoir été des lieux habités à l'époque du bas empire, aussi bien par la toponymie que par l'archéologie. Ceci fait donc apparaître également que le site de Hillion est lié aussi à celui d'Erquy autant qu'à celui de Cesson. Or, Erquy est reconnu par tous comme ayant été un repère important à l'époque gallo-romaine. Certains pensent même qu'il s'agirait de la Reginca de la Table de Peutinger.

   Quoi qu'il en soit, compte tenu des divers indices que nous venons de voir, il est indéniable que le site d'Hillion a été d'une grande importance à l'époque gallo-romaine, tant du point de vue terrestre que maritime et qu'il était habité de façon permanente et sédentaire par une garnison. De là à ce qu'il soit organisé en vicus, même relativement modeste, coule de source.

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1.- Étymologie discutée. La racine sul- se retrouve dans les noms de rivières : Sulon, affluent du Blavet, qui prend sa source près de Kerchouan ; Sullé, affluent du Trieux ; dans les toponymes Sulis (Castennec, en Bieuzy) , Plussulien (Ploe-Sulian). On trouve aussi Sulloniacis en Grande-Bretagne (Brockley Hills, Middlesex). Sul- semble avoir un rapport avec sol, "soleil". A moins que Hillion ne soit une forme évoluée de Hen-lion, Hen-léon (? ancienne légion ou ancien camp de légion?).

note rajoutée : voir notre page spéciale concernant Hillion au lien : http://marikavel.org/bretagne/hillion/hillion-accueil.htm 

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