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Analyse spatiale  des indications géographiques données par Nennius

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a) "... depuis l'étang qui se trouve (super verticem) Mont Jovis jusqu'à la cité que l'on nomme Cant Guic, et jusqu'au sommet occidental c'est-à-dire Cruc Ochidient."

b) "... ce sont les Bretons Armoricains..."

 


Recherches du mont Jovis et de Cant Guic.

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Ceci étant établi et accepté, notre recherche se dirige maintenant vers l'est, c'est-à-dire vers le centre de la cité des Ossismes et, par-delà, vers les cités des Vénètes et des Curiosolites.
Nous avons deux possibilités d'investigation naturelles, à savoir soit longer les cours d'eau qui ont pu à un certain moment servir de ' frontière ', soit suivre les lignes de crêtes des montagnes ou des collines. En définitive, nous verrons rapidement que ces deux voies de recherche sont convergentes, car les cours d'eau ont souvent leurs sources à flanc de montagne ou de colline, quand ce n'est pas même auprès de la ligne de crête. Il y a là très souvent une implication réciproque.
D'autre part, pour des raisons qui nous semblent maintenant évidentes, il est hors de question de rechercher le mont Jovis et Cant Guic en dehors de la cité des Ossismes. Nous avons vu ce qu'il fallait en penser. Notre champ d'investigation s'étendra seulement depuis le Menez-Hom jusqu'aux limites est de la cité des Ossismes, c'est-à-dire aux confins des Curiosolites et des Vénètes, car il est impossible, du point de vue de la logique élémentaire, au regard des questions linguistiques et politiques, d'aller au-delà de cette limite.
Considérations géométriques par superposition des mathématiques et de la géographie.

 

   Si l'on suit Fleuriot, il s'agit des côtes de la Manche, du Menez-Hom jusqu'à Étaples, dans le Pas-de-Calais).

   Solutions écartées :

   Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de fournir au lecteur l'intégralité des détails de mes investigations. Cela serait trop volumineux, trop fastidieux, et risquerait de faire perdre le fil du raisonnement. Je tiens cependant à faire savoir que je n'ai négligé aucun détail, autant que j'ai pu l'éviter. Je me suis documenté partout où je l'ai pu et, surtout, j'ai tenu à aller me rendre compte moi-même sur place, de visu, sur les sites étudiés, afin d'avoir une meilleure appréciation de leur configuration géographique et géomorphologique, ainsi que de leur "potentiel historique".

   Chacune des solutions étudiées a été pour moi captivante, car elles avaient toute quelque chose à m'apprendre. Comme pour le jugement de Paris, je les aurais voulues toutes à la fois. Mais il leur manquait aussi à toutes, sauf à une, ce petit détail quelquefois infime, parfois même ridicule, qui vous dit que vous avez gagné, que vous avez enfin découvert la clef de votre énigme. Pour un chercheur passionné, le moment de la découverte est souvent entremêlé de jouissance et d'angoisse, car, qu'elle soit grande ou petite, une découverte est toujours importante.

   Voici, en quelques lignes, les solutions étudiées, puis écartées :

   1. Le Menez-Hom ; la rivière Doufine ; la crête entre le mont Saint-Michel de Brasparts et le Roc'h Trévézel, sans oublier le lac (l'étang) Saint-Michel ; la rivière Penzé ; le site de Henvic, côté ouest (Seno Vicus? = Vieille Ville).

   2. Le même jusqu'au Roc'h Trévézel ; puis la crête jusqu'à la source du Queffleuth, près de la roche de Saint-Barnabe ; la rivière Queffleuth ; le site de Henvic, côté est (côté rivière de Morlaix).

   3. Le Menez-Hom ; la rivière Aulne jusqu'à sa source, près du sommet du Beffou, entre Lohuec et Loguivy-Plougras ; le Douron ; le plateau situé en arrière du Grand-Rocher, à Plestin-les-Grèves, où il semble y avoir certaines traces d'urbanisme d'époque gallo-romaine.

   4. Le même jusqu'au Beffou; puis la rivière Guic ; la rivière Léguer jusqu'à son embouchure ; le site du Yaudet, en Ploulec'h (Coz Yeodet, de Vêtus Civitas = Vieille Cité).

   L'indice révélateur.

   Ce qui a retenu mon attention est justement l'identification faite par Fleuriot et d'autres historiens de Cant-Guic avec Étaples, dans le Pas-de-Calais, en se basant sur le nom de la rivière Canche (lat. Quantia), pour reconstituer le nom de Cant Guic (Vicus près de la Canche).

   Un premier report aux divers dictionnaires indique pour Étaples la forme ancienne 'Stabulae', sans toutefois préciser ni l'époque ni la date. La confirmation est faite par Dauzat : Wic, 718 (lat. : vicus, "village"), Stapulae, IXème s.

   nCette forme Stapulae est à l'évidence identique au latin stabulae, qui signifie à l'origine : "étable, écurie" et, par extension, "gite, domicile, séjour, auberge, asile, chaumière", et même : "piscine, vivier, ruche, basse cour, etc." On voit que les choix ne manquent pas.

   L'invocation d'un nom germanique ne change rien au problème car, pour ma part, je connais plusieurs autres références à Stabulae dans le domaine celtique de l'empire romain. Le premier se trouve cité dans la Notitia Dignitatum et concerne la Grande-Bretagne, précisément dans l'aire anglo-saxonne : "Praepositus equitum Stablesiorum Gariannonensium, Gariannonor", a savoir : "préposé aux étables de la cavalerie de Gariannum", qui est l'ancien fort romain de Burgh Castle, dans le Suffolk, et qui faisait partie du système de défense de la 'Côte saxonne'.

   Les deux autres que je connaisse sont Étables-sur-Mer et Million (Vetus Stabulum, en 485). Il s'agit donc de deux sites de la côte nord de la péninsule armoricaine, situés de part et d'autre de la rivière Gouet (1), c'est-à-dire de la limite des Curiosolites et des Ossismes. Je pense en conséquence qu'il aurait mieux valu chercher d'abord à expliquer ces sites d'Armorique que de rechercher une hypothétique solution dans le Pas-de-Calais, puisque Nennius nous dit lui-même qu'il s'agit des "Bretons armoricains". Il lui était difficile d'être plus clair.

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Le nom de la rivière Gouet :

On donne habituellement pour étymologie le breton gwad, "sang", pour dire "la rivière du Sang" (gallois : gwaed). Je ne prétends pas que ce soit faux, mais étant donné que cette rivière est armoricaine, il est probable qu'elle avait un nom avant l'arrivée des Bretons. Ceux-ci ont-ils fait disparaître un ancien nom, ou bien Gouet est-il l'équivalent évolué gaulois du breton gwad. Cela me laisse perplexe. Par contre, le caractère encaissé de cette rivière pourrait permettre un rapprochement avec l'irlandais fotha, "fondation, base". Fotha pourrait être goud ou gwed. Noter la présence de la rivière Gouëdic (cf. communication du père Turiaw Le Mentec).

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Note rajoutée JCE : 

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